Les exploitants de cinéma se battent pour réinvestir le centre-ville de Genève

Après le Ciné 17, la salle de l’Empire doit rouvrir ses portes

Les cinémas au cœur de Genève auraient-ils repris le chemin de la rentabilité? «Les multiplexes étant plutôt en périphérie, le centre-ville, malgré sa petite taille, jouit d’un ­potentiel de fréquentation très intéressant», assure Didier Zuchuat, cofondateur de la société d’exploitation ProCitel. Après avoir redressé en 2011 le Ciné 17 à la rue de la Corraterie, le spécialiste des salles obscures a officialisé mardi sa reprise d’un autre monument sur grand écran: le Cinérama Empire de la rue de Carouge.

Propriété de Claude Berda, fondateur du groupe audiovisuel AB et exilé fiscal français à Genève, le site cinématographique de Plainpalais était voué à une reconversion en salle de sport. «Avec un loyer espéré de 15 000 francs par mois, alors que les anciens exploitants payaient moins de 5000 francs», souligne Didier Zuchuat, qui, pour reprendre possession de l’Empire, a bénéficié du concours des autorités municipales.

Fermé depuis 2011, le cinéma de la rue de Carouge – qui depuis 1923 a maintes fois changé de nom: Colibri, Pélican, Art-Ciné – n’a jamais rapporté assez d’argent pour justifier le maintien d’une activité liée au septième art. «Ceci, même lorsqu’il diffusait des films pornographiques, poursuit Didier Zuchuat. Ce temple de la fesse pendant plus de quarante ans parvenait à enregistrer 85 000 entrées par an dans les années 1980.» Le site a quand même fait l’objet de trois faillites successives.

A l’issue d’interminables tractations pour emménager dans cette salle obscure endormie depuis quatre ans, la cheville ouvrière de Pro­Citel a négocié un bail mensuel d’environ 5000 francs. Et compte investir entre 850 000 et 1,5 million de francs, avec le concours de mécènes privés et publics, pour réhabiliter ce patrimoine immobilier en déshérence. Les lieux, pouvant abriter jusqu’à 468 places assises, sont censés rouvrir au grand public cet automne. «Le contrat qui nous lie au propriétaire des murs stipule toutefois qu’en cas de chiffre d’affaires supérieur à 1,8 million de francs, une taxe de 6% sera prélevée sur nos recettes», précise Didier Zuchuat.

Le secret de la réussite

Sait-on jamais, le potentiel des cinémas au centre-ville de Genève est peut-être prometteur. «Les bonnes semaines, nous réalisons au Ciné 17 jusqu’à 8% des recettes totales des cinémas genevois, alors que ce lieu ne totalise que 1,35% du nombre de fauteuils de la région», résume Didier Zuchuat, qui ne vise paradoxalement pas à faire de bénéfices, mais dont les compétences pourraient être sollicitées concernant l’avenir du Capitole à Lausanne.

Sa recette: une programmation aussi subjective qu’éclectique, en version originale afin de séduire la communauté des expatriés et pour un prix compris entre 10 et 25 francs, selon le type de siège (orchestre, galerie VIP, etc.). «Le tout, accompagné d’un accueil irréprochable pour fidéliser la clientèle», ajoute Didier Zuchuat, qui prévoit, en sus, des matinées pour enfants à l’Empire ainsi que des partenariats avec des festivals dédiés aux toiles.

Après un exercice 2013 catastrophique – le pire depuis 1995 –, l’audience des cinémas genevois n’a pas vraiment repris l’année dernière (lire ci-dessous). Mais les premiers indicateurs pour 2015 font état d’un sursaut encourageant. «Aujourd’hui, il faut être au centre de Genève. C’est un marché en devenir, car la ville n’est pas encore totalement équipée, contrairement à Zurich ou à Lausanne», conclut Thierry Hatier, directeur général de Pathé Suisse, dont les cinémas Rex (Confédération Centre) et Rialto (gare de Cornavin) sont en sursis en raison de projets immobiliers.