Les exportateurs suisses doivent miser davantage sur les économies émergentes
Risque
La crise de la dette et la panne de croissance en Europe ont entamé la capacité des entreprises. Coface, spécialiste de l’assurance crédit, prône la diversification des marchés
Les entreprises suisses doivent diversifier rapidement leurs marchés d’exportations. L’Union européenne demeure le principal débouché, mais elle est frappée de plein fouet par la crise de la dette souveraine et par la récession qui s’y installe. «Nous constatons une forte hausse d’impayés par les entreprises en Europe du Sud, mais également en France, en Slovénie ou en Hongrie, confirme Olivier Bel, directeur adjoint de la filiale suisse de Coface, un leader mondial de l’assurance crédit. Nous avons aussi mis l’Allemagne sous observation car elle risque de se faire contaminer par ses voisins malades.»
Dans son dernier Guide sur le Risque pays publié le 16 janvier, Coface indique avoir enregistré une hausse de 19% des incidents de paiement dans le monde, avec une progression de 28% pour les entreprises de la zone euro. Ce rapport met en doute la solidité des entreprises, plus particulièrement italiennes et espagnoles. Coface a dégradé les notes qui mesurent le risque d’impayés présenté par les entreprises d’un pays dans le cadre de leurs transactions commerciales.
«Si l’Europe constitue le marché traditionnel mais de plus en plus risqué pour les exportateurs suisses, l’avenir se trouve dans les pays émergents», poursuit Olivier Bel. Et d’affirmer que «les nouvelles puissances émergentes – Brésil, Chine, Indonésie, Inde – représentent les nouvelles frontières à explorer. Nous accueillons à bras ouverts un client qui veut exporter ses produits au Brésil par exemple. Le pays est en pleine croissance, ce qui renforce la capacité de ses importateurs. Il a aussi un cadre juridique fiable.»
Et la Chine?
La Chine? C’est une autre histoire. Selon Coface, les importateurs chinois sont globalement en règle avec les factures. L’assureur a ouvert plusieurs bureaux à Pékin, à Shanghai et à Hongkong pour pouvoir accéder vite aux informations de première main sur l’évolution du pays et de ses entreprises. Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface, minimise le risque chinois, tout en soulignant qu’en cas de choc externe, la récession en Europe par exemple, nombre d’entreprises chinoises, en surcapacité et en situation de fragilité, disparaîtront.
La Suisse, dont les exportations représentent 52% de son produit intérieur brut (PIB), a déjà saisi l’importance des pays émergents, de l’Asie en particulier, depuis des années. A chaque publication de résultats, les patrons ne manquent pas de flatter les échanges avec l’Asie. Entre 2000 et 2010, les exportations suisses vers ce continent ont augmenté de 85%. Dans l’ensemble, leur part dans les exportations totales est passée de 17 à 21% durant cette même période. Selon l’Office fédéral de la statistique, le solde est positif en faveur de la Suisse pour un montant de 19 milliards de francs.
Par rapport à la Chine qui est de loin le premier destinataire, les exportations suisses atteignaient 7,1 milliards de francs durant le premier semestre 2011, soit une augmentation de 32%. A titre de comparaison, elle n’a été que de 0,9% pour l’Union européenne, dont 20 milliards vers l’Allemagne, qui est la première destination pour la Suisse. Selon le Swiss Centre Shanghai, un collectif d’entreprises helvétiques actives en Chine, le géant chinois dépassera l’Allemagne et deviendra en 2020 le plus gros importateur de biens suisses.
Coface intègre le risque politique. Dans le cas de la Chine, son rapport s’interroge d’une part sur la distorsion entre un régime communiste et une classe moyenne branchée et mondialisée et d’autre part, sur le flou entourant ses ambitions géopolitiques et militaires. Coface note que dans de nombreux pays, les aspirations de la classe moyenne amplifiées par l’éducation, Internet et les voyages n’obtiennent pas toujours d’écho auprès des classes dirigeantes souvent autoritaires. Le processus de transformation politique, comme celui qui est en cours en Afrique du Nord, réduit la capacité des entreprises à respecter leurs engagements.