Le mois de juin a été marqué par un tournant dans les relations commerciales entre la Suisse et la Russie, un Etat mis au ban de la communauté occidentale depuis l’invasion de l’Ukraine. Après un recul marqué des exportations helvétiques à destination de ce pays pendant les trois premiers mois de la guerre, les envois de marchandises ont repris, mais concernent essentiellement des produits considérés comme de première nécessité.

Selon les statistiques publiées mardi par l’Administration fédérale des douanes, les exportations suisses ont ainsi atteint un montant de près de 430 millions de francs, contre 256 millions de francs un mois plus tôt, ce qui représente un bond de 78%. Sur un an, la hausse est encore plus forte, à +87%. En mars, les envois de marchandises en direction de ce marché avaient à l’inverse pratiquement été divisés par deux.

Cette hausse place la Russie au rang de onzième marché d’exportation de la Suisse en juin, loin derrière les Etats-Unis et l’Allemagne, qui sont restés les principales destinations des produits suisses, mais devant des pays tels que la Belgique ou le Canada. Au total, l’économie suisse a livré le mois dernier des marchandises à l’étranger pour un montant de 22,7 milliards de francs, une hausse de 544 millions sur un mois (2,5%) Dans le même temps, les importations se sont effritées de 0,7%, à 20,1 milliards de francs.

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Explosion des livraisons de médicaments

A la suite de l’invasion de l’Ukraine, Nestlé, Roche et Novartis avaient indiqué qu’elles réduisaient leurs opérations sur sol russe mais continueraient à livrer des produits de première nécessité, une décision qui avait suscité la polémique. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a notamment pointé du doigt la multinationale vaudoise à plusieurs reprises dans ses interventions vidéo, jugeant que toute activité économique en Russie revenait à soutenir l’agresseur de son pays. Une vive polémique s’en était suivie sur les réseaux sociaux avec des appels au boycott. Nestlé a maintenu sa position mais a précisé dans un communiqué que les bénéfices réalisés en Russie seraient donnés à des organisations à but non lucratif.

Si, il y a un mois, une mystérieuse livraison d’or russe a défrayé la chronique, l’origine du bond spectaculaire des exportations en direction de ce pays est plus facile à deviner. Parmi les produits qui ont davantage été envoyés en Russie se trouvent en effet des produits à base de céréales, des boissons, de la lessive ou encore des préparations alimentaires, ces biens jugés essentiels. En valeur, c’est surtout l’industrie pharmaceutique qui contribue à l’envolée des exportations puisque les médicaments et autres traitements envoyés par les entreprises de la branche atteignent un montant de 331 millions de francs, soit les trois quarts de l’enveloppe globale. La pharma exporte d’ailleurs davantage qu’avant la guerre: ses livraisons ont été multipliées par un facteur de 2,5 sur un an.

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A l’inverse, les autres secteurs d’activité tels que l’horlogerie ou les machines ont eux continué à délaisser ce marché jugé très risqué depuis le début de la guerre. Le commerce avec la Russie n’est en effet pas interdit pour les secteurs ou les personnalités qui ne sont pas sous sanctions – essentiellement dans les matières premières et la finance – mais de nombreuses entreprises ont préféré y cesser leurs opérations, souvent sous la pression populaire.

Après le pétrole et le charbon, l’Union européenne a décidé lundi d’ajouter l’or à la liste des produits qu’il ne sera plus possible d’importer depuis la Russie. Sollicité par Le Temps, le Secrétariat d’Etat à l’économie indique que le Conseil fédéral ne s’est pas encore prononcé sur ce métal. Le mois dernier, une cargaison de trois tonnes d’or russe affichant une valeur de 167,5 millions de francs était arrivée en Suisse, l’une des plaques tournantes du négoce de ce précieux métal. Rien de tel en juin, même si les importations de ce poste de marchandises sont également en hausse de 61%, à près de 17 millions de francs, par rapport à la même période l’an dernier. Ce montant est le plus élevé depuis l’invasion de l’Ukraine, après le mois de mai.