Quel que soit le volume des actifs concernés, les solutions successorales insuffisantes ou inappropriées peuvent engendrer des différends familiaux ou des litiges avec des partenaires en affaires, risquant au pire de détruire des relations, voire des personnes, avec des conséquences désastreuses pour le tissu familial et le développement futur du patrimoine. Il est donc essentiel pour la vieille génération de comprendre exactement quelles sont les stratégies successorales envisageables et de savoir quel impact celles-ci peuvent avoir sur les relations, familiales et autres.
Pour quiconque détient des actifs, la première étape consiste à identifier non seulement ses propres idées et besoins, mais aussi ceux de sa famille. Ces idées et ces besoins sont généralement influencés par la situation personnelle de la famille, l’environnement des personnes concernées, les contraintes économiques ainsi que par les réglementations en vigueur dans les pays où résident les différents membres de la famille et dans ceux où sont détenus des actifs. Vu les interactions complexes liant tous ces aspects, lesquels sont d’habitude traités par des conseillers juridiques et fiscaux, il est essentiel ici d’aborder les problèmes familiaux et relationnels et de favoriser une bonne communication intergénérationnelle à un stade précoce.
Au début du processus de conseil se pose la question des objectifs du client en matière de structuration et de planification du patrimoine. Veut-il être seul responsable de l’aspect financier; dans quelle mesure et sous quelle forme est-il aussi disposé à inclure les besoins de la jeune génération dans ses considérations? Par exemple, si une personne prévoit que ses héritiers recevront des actifs à leur majorité, elle devrait aussi se demander comment elle va interférer dans la vie des enfants et si ceux qui en bénéficient sont capables d’assumer pareille responsabilité. Il ne faut pas négliger l’impact qu’une donation entre vifs peut avoir sur le donataire et sa vie: les cas ne sont pas rares où les ambitions, voire les rêves de certains jeunes ont été étouffés par une générosité financière bien intentionnée.
Dans une planification patrimoniale et successorale globale, les conseillers et les clients discutent ensemble d’une approche adéquate pour la situation spécifique de la famille et pour les gens concernés. La question à laquelle il convient de répondre est la suivante: quelle est la stratégie qui va permettre aux personnes recevant des biens d’acquérir la responsabilité nécessaire? On dispose ici de nombreuses options, l’une d’elles étant que chaque membre de la jeune génération reçoive une certaine somme d’argent et apprenne à la gérer avec l’aide d’un coach. Cette solution permet à la jeune génération de gérer ce capital durant un certain temps en prenant ses propres décisions et, par exemple, en vivant des revenus ainsi générés. Si l’expérience se révèle probante, le montant pourra être progressivement augmenté au fil du temps.
Une approche conseil globale va aussi plus loin en ce sens qu’elle consiste à regarder au-delà des apparences et à mener une réflexion approfondie sur les personnes et les relations. Les gens fortunés éprouvent de plus en plus le besoin et la volonté de questionner leur propre rôle et leur vision du monde: conseillers et clients chercheront ainsi à trouver pourquoi, dans un cas particulier, la relation avec un membre de la famille de la prochaine génération pose problème et comment la qualité de cette relation peut influer sur la planification successorale. S’il peut paraître tout à fait naturel pour le détenteur d’une fortune de léguer davantage aux membres de la famille qui s’en sortent bien économiquement parlant, il vaut mieux toutefois commencer par analyser en détail les possibles effets d’une telle décision sur la dynamique relationnelle. Il convient d’examiner le système de valeurs qui sous-tend une décision de planification et peut-être même de le reconsidérer; pareil dialogue peut, d’une part, renforcer la capacité de la famille à traiter les conflits et, d’autre part, créer entre ses membres une base commune et une compréhension mutuelle qui profiteront durablement – pas seulement sur le plan financier – à tous et à chacun.
Une approche conseil holistique exige des conseillers une vaste expertise dépassant largement les frontières de la planification patrimoniale classique. Cela inclut notamment des aptitudes personnelles et des compétences sociales, avec une formation continue dans différents domaines spécialisés et, point essentiel, le transfert de connaissances. Mais aucun conseiller n’est capable de maîtriser tous ces aspects, de sorte que des soutiens extérieurs sont nécessaires le cas échéant. Selon les souhaits du client, consultants en mode de vie, psychologues et conseillers spirituels contribueront, aux côtés des avocats, proches conseillers et confidents de la famille, à la mise au point de solutions globales. A cet égard, il est important d’établir un réseau de spécialistes couvrant tous les aspects de la vie. Avant tout, les relations avec les clients aussi bien que l’efficacité des conseils dépendent de la confiance mutuelle.
Il est toutefois un point auquel on n’accorde souvent pas suffisamment d’attention: si les conseillers conviennent peut-être pour inspirer et donner des idées à leurs clients ou pour leur procurer périodiquement un «regard extérieur», c’est en fin de compte à la famille et à ses différents membres de s’engager, de se montrer clairvoyants, de prendre des décisions et de s’approprier le processus par lequel ils vont créer et diriger leur mode de possession, d’utilisation et de transmission personnel des richesses dans leur intérêt commun supérieur. Tout conseiller avisé travaillera dans ce sens avec ses clients.