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Fiat et General Motors ne parviennent pas à négocier le prix de leur divorce

Les deux constructeurs automobiles régleront leur différend devant un tribunal. Une ancienne option de vente sème la discorde chez ces alliés depuis 2000.

Après cinq ans de fiançailles, Fiat et General Motors (GM) s'empoignent sur les conditions de leur rupture. Malgré d'intenses négociations les deux groupes automobiles ne sont en effet pas parvenus à trouver un accord pour un divorce à l'amiable. Ils s'étaient donné jusqu'à mardi minuit pour régler leur contentieux. En vain. «Le processus de médiation est terminé», a fait savoir hier matin le constructeur de Turin.

Depuis des mois, l'idylle née en mars 2000 avait pris fin. A l'époque, Gianni Agnelli avait signé un accord en deux temps avec General Motors. Les Américains avaient pris immédiatement 20% du capital Fiat Auto (en échange de 5,15% du capital de GM) et donné à la firme de Turin la possibilité, à travers une option de vente, de lui céder les 80% restants à partir de janvier 2005. Mais General Motors, aujourd'hui aux prises entre autres avec les difficultés d'Opel, ne veut plus entendre parler d'un rachat de Fiat dont l'endettement s'élève à 8 milliards d'euros.

Pour prix de cette répudiation, les Turinois ont exigé de substantiels dédommagements. Selon les analystes, la prime de divorce revendiquée par Fiat s'élèverait à 3 milliards d'euros. Pas question, ont répondu en substance les responsables du groupe de Detroit, qui estiment notamment que l'accord signé en mars 2000 n'est plus valable. Pour sa défense, GM considère qu'après la cession par Fiat en mars 2003 de 51% sa filiale commerciale Fidis suivie deux mois plus tard par une augmentation de capital de Fiat Auto à hauteur de 3 milliards d'euros, les conditions de l'entente conclue il y a cinq ans ont été modifiées. En clair, l'option de vente de 80% du capital restant serait caduque.

Pendant des semaines, les dirigeants des deux groupes ont multiplié les tractations. Il y a quelques jours, la plupart des analystes estimaient qu'un compromis prévoyant des indemnités à hauteur de 1,5 milliard d'euros était sur le point d'être conclu. Mais les deux parties ont finalement décidé de poursuivre le bras de fer et campent pour l'heure sur leurs positions. Depuis hier, Fiat s'estime ainsi en droit de vendre de force aux Américains son activité automobile d'ici à juillet 2010. En retour GM, qui conteste plus que jamais la validité de cette option, pourrait saisir les tribunaux.

«Toutes les solutions sont désormais ouvertes», soulignait-on hier à Turin, où l'on n'exclut aucune hypothèse, que ce soit une longue bataille judiciaire ou un accord in extremis. Hier, l'administrateur délégué de Fiat Sergio Marchionne se trouvait aux Etats-Unis. Il pourrait, selon la presse italienne, avoir une nouvelle fois rencontré le patron de GM, Richard Wagoner.

Reste qu'au-delà de l'issue du différend financier, la rupture signifie aussi pour Fiat un retour à la case départ. Le constructeur italien se retrouve à nouveau esseulé. D'ici à l'automne, le groupe de la famille Agnelli doit en effet rembourser un prêt de 3 milliards d'euros effectué auprès d'un pool de banques. Faute de quoi, celles-ci pourraient devenir les principaux actionnaires de Fiat Auto. Mais là encore, les banques en question ont laissé entendre qu'elles n'étaient pas du tout enthousiastes à l'idée de prendre le contrôle de la firme automobile.

Depuis plusieurs semaines, la presse italienne s'exerce à trouver des partenaires potentiels pour Fiat Auto en remplacement de GM. Au premier rang desquels figurerait le groupe Peugeot-Citroën, avec lequel Fiat a déjà un accord industriel depuis 1981 pour la production de véhicules commerciaux et une autre collaboration pour la fabrication des monovolumes. Cependant, en novembre 2004, le porte-parole du groupe français a clairement mis les choses au point, histoire de stopper toute hypothèse de rapprochement capitalistique entre les deux entreprises: «Notre politique n'a pas changé, nous ne voulons pas d'alliances financières.» Et aucun autre constructeur – que ce soit Renault, Toyota ou un groupe chinois – ne s'est pour l'instant manifesté.

En cas de divorce définitif avec GM, Fiat devra également réviser sa stratégie industrielle. Pour l'heure, l'administrateur délégué Sergio Marchionne s'est voulu rassurant: «L'alliance avec General Motors nous a limités dans notre liberté d'action sur le plan industriel.»

Toujours est-il que le contrat avec la firme américaine prévoyait aussi des partenariats à travers deux sociétés mixtes (l'une pour les achats de composants automobiles en commun, l'autre pour la production de moteurs) qu'il sera difficile, le cas échéant, de remplacer.