«Au final, les revalorisations seront plus élevées»
marché du travail
Spécialiste du marché du travail à l’Université de Bâle, George Sheldon juge le salaire minimal moins efficace que les aides ciblées
Le Temps: En 2014, les salaires devraient augmenter de 0,6% en termes réels en Suisse. Est-ce suffisant?
George Sheldon: Deux aspects sont à prendre en compte. D’une part, on observe un changement de tendance sur le marché du travail. Au cours des prochains mois, le taux de chômage en Suisse devrait reculer à moins de 3% sur une base ajustée des variations saisonnières. D’autre part, la croissance du PIB suisse devrait atteindre près de 2% cette année. Dans ce contexte, on peut estimer qu’une augmentation des salaires réels de 0,6%, qui repose sur les anticipations des entreprises, sera certainement inférieure à la réalité. En 2012, la hausse des salaires réels a, par exemple, dépassé les 1,5%. C’est pourquoi je pense que l’augmentation des salaires réels ou les revalorisations accordées aux employés en 2014 devraient être plus élevées que ce niveau de 0,6% qui repose sur les estimations des entreprises.
– Va-t-on vers une surchauffe?
– Non, on observe certes une amélioration sur le marché du travail mais on est encore loin d’une situation de surchauffe.
– Certains jugent que l’inflation, un aspect clé pour les négociations salariales, ne tient pas compte de certains coûts comme la hausse des primes maladie ou des loyers. Qu’en pensez-vous?
– Les négociations salariales ne peuvent pas tenir compte de tous les aspects liés aux coûts de la vie des salariés. Les hausses accordées dépendent de la marche des affaires des entreprises. Les salaires sont des coûts pour les entreprises. Celles-ci vont accorder des augmentations de salaires si elles pensent être en mesure de répercuter à leur tour ces hausses dans les prix des biens et services fournis aux clients.
– Le relèvement des salaires minimaux par plusieurs entreprises a marqué les esprits. Est-ce lié à l’initiative bientôt soumise en votation?
– Il est possible que ce débat ait eu une influence sur les décisions de certains employeurs. Sur le fond, je pense qu’il vaut mieux que les salaires minimaux soient déterminés à l’intérieur de chaque branche. Il faut se poser la question de savoir quel est l’objectif d’un salaire minimal. En effet, si le but est de remédier aux insuffisances de revenus de certaines catégories de la population, ce n’est pas l’instrument le mieux adapté. Le salaire minimal est un instrument très peu ciblé. Un montant de 4000 francs par mois suffit peut-être pour de jeunes célibataires. Pour une personne qui vit seule avec trois enfants, un tel salaire restera insuffisant. Si l’on veut corriger les insuffisances de revenus, d’autres instruments sont à mon avis plus adaptés pour résoudre ce problème.