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Le volume d’émission des «green bonds», estimé à quelque 160 milliards de dollars, devrait encore croître de 50 à 100 milliards en 2017, prévoit AXA Investment Managers

Au sein de l’univers de la finance durable, les obligations vertes, ou «green bonds» en anglais, font figure de nouvelles venues. Le volume total de ces emprunts est estimé à quelque 160 milliards de dollars actuellement, dont 70 milliards ont été émis au cours de la seule année 2016. L’an prochain, les nouvelles émissions devraient atteindre entre 50 et 100 milliards, anticipe Olivier Vietti, gérant de portefeuille senior et spécialiste de ce domaine chez AXA Investments Managers (Axa IM).
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Comment se différencie ce type d’emprunts des autres placements durables? «Les obligations vertes servent à financer des projets ayant un impact environnemental positif», résume l’expert à la tête du fonds AXA World Funds Planet Bonds.
Double «screening»
Ces instruments ont la particularité de faire l’objet d’un double processus de sélection ou «screening» dans le jargon. D’une part, ils doivent être utilisés spécifiquement pour financer des projets «verts». D’autre part, ils doivent tenir compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ou ESG en anglais) habituellement pris en compte au sein de la finance durable. «Axa IM accorde de l’importance à la qualité environnementale, sociale et à la gouvernance de l’émetteur de l’obligation verte car sinon rien n’empêcherait un mauvais élève du point de vue des critères ESG de venir émettre un tel emprunt», précise Olivier Vietti. Typiquement, il peut s’agir d’investissements liés à des domaines comme les énergies renouvelables, le traitement des déchets, les infrastructures, les transports ou encore le soutien à la biodiversité.
Suivi permanent
Une attention particulière est apportée au suivi du processus d’investissement. Dans un premier temps, l’émetteur doit présenter le projet aux investisseurs. Celui-ci est évalué en fonction de sa cohérence, de la traçabilité des fonds ainsi que du reporting environnemental du projet, notamment sa contribution à la réduction des émissions de CO2. «Un an après l’émission, l’émetteur publie un reporting d’impact. Nos analystes ISR (ndlr: investissement socialement responsable) l’étudient et s’il ne satisfait pas à nos critères, nous pouvons opter pour la revente de l’obligation», ajoute le gérant. Dans ce cas, l’emprunt quitte l’univers des placements durables d’Axa IM, même s’il continue d’exister sur le marché.
Les «green bonds» ne servent pas uniquement à financer des projets novateurs liés aux technologies propres ou aux énergies renouvelables. Elles peuvent être affectées aussi à la maintenance de réseaux ferroviaires électriques ou au financement de prêts aux consommateurs pour l’achat de véhicules propres. Peuvent-elles servir aussi à financer des projets dans l’industrie classique? «Oui, à condition que les obligations vertes contribuent à réduire les émissions d’une activité existante ou à améliorer l’efficience énergétique d’un bâtiment», cite en exemple le spécialiste.
Le charbon et le transport aérien bannis
Certains domaines sont entièrement bannis de l’univers d’investissement des green bonds. «Il est par exemple exclu qu’une obligation verte serve à financer une infrastructure qui ne s’aligne pas avec une économie à faible émission de carbone, même si le bâtiment avait une bonne efficience énergétique. Car l’activité du transport aérien génère encore une majorité des émissions de CO2, avec comme carburant principal le kérosène», illustre Olivier Vietti. Autre exemple d’activité exclue de cet univers: l’extraction de charbon
En termes de coûts, il souligne que les frais de gestion prélevés par le fonds ne sont pas différents des autres produits obligataires standards proposés par la société ou les gérants concurrents. «Il serait faux de penser que les frais de gestion sont plus élevés car il s’agit d’obligations vertes ou d’un fonds axé sur les critères ESG. Ces aspects sont entièrement intégrés dans le processus de sélection et d’analyse standard que nous appliquons, quel que ce soit le type d’emprunts», poursuit-il.
Tout ne dépend pas de Donald Trump
Pour la suite, craint-il un impact négatif de l’élection de Donald Trump, connu pour son scepticisme à propos des risques liés au changement climatique? Le spécialiste relativise cet aspect: les accords de Paris restent valables pour les Etats-Unis, élection d’un nouveau président ou non, rappelle-t-il.
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«En tout, il faudrait pratiquement quatre ans pour remettre en question les engagements pris jusqu’ici par les Etats-Unis», estime encore Olivier Vietti. Il rappelle aussi que l’American Business Act on Climate Pledge a été signé par plus de 150 entreprises américaines il y a un an. «Les Etats-Unis sont déjà engagés dans beaucoup de projets sur la durée. Tout ne dépend pas de Donald Trump», met-il en perspective.