Aucun des économistes que Le Temps a interrogés en ce début d’année ne croit à une récession en 2019, même s’ils prévoient tous un ralentissement de l’économie mondiale. Après le recul des bourses internationales de l’an dernier, nos interlocuteurs voient des raisons d’être «constructifs» pour l’année qui débute. En particulier du côté des pays émergents, alors que le bilan de vingt ans de l’euro est jugé calamiteux.

Lire aussi notre dossier: Les grands défis économiques de 2019

Le Temps: Depuis la correction d’octobre, les marchés semblent prévoir une récession en 2019. Y croyez-vous?

François Savary, Prime Partners: Jusqu’en septembre, tout était beau. Les observateurs avaient l’impression que Donald Trump avait trouvé la recette miracle, alors que sa baisse d’impôts est en réalité insensée. Une cassure s’est produite début octobre, lorsque le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré qu’il pensait qu’une hausse des taux d’intérêt était nécessaire, malgré les pressions du président américain qui souhaite l’inverse. Une prise de conscience s’est faite: l’économie va ralentir. Et soudainement, fin octobre, les investisseurs se sont dit qu’ils devaient réfléchir à 2019. Ils constatent alors que tous les indices des directeurs d’achat (PMI) sont en baisse et qu’un ralentissement est déjà en cours. Or il n’était pas du tout pris en compte par les marchés. Ensuite, une vague de pessimisme s’est déclenchée, mais elle ne correspond pas à la réalité économique.

Le Temps: Pourquoi?

François Savary: Les indices PMI des directeurs d’achat demeurent supérieurs à 50, ce qui indique une croissance. La Chine a pris des mesures pour stabiliser la situation. Je pense qu’il est trop tôt pour envisager une récession. La fin du cycle approche, tout le monde en est maintenant conscient. La question clé est de savoir si elle provoquera un ralentissement ou si elle sera abrupte.

Fabrizio Quirighetti, Banque Syz: Ces dernières années, le marché a beaucoup progressé alors que les économies n’ont pas été très performantes. En ce début d’année, le marché semble prévoir une sévère récession, alors que les performances économiques ne devraient être au pire que maussades.

Emmanuel Ferry, Banque Pâris Bertrand: Une récession est toujours provoquée par un excès: un excès de resserrement monétaire face à des excès de capacités par exemple. Or ça n’a pas été le cas. Il n’y aura pas de récession. Néanmoins, les profits des entreprises pourraient reculer en 2019, à cause du ralentissement des ventes, des pressions sur les marges découlant des hausses de salaires, de la fin de la baisse des impôts et de l’effet de base.

Loïc Schmid, 1875 Finance: Je ne vois pas de récession non plus en 2019, même si l’économie mondiale devrait ralentir et les marchés devraient encore rester volatils, à cause du retrait important de la liquidité. Mais si le recul est trop fort, les banques centrales interviendront. On voit que dès que la «méthadone financière» est retirée, les actifs risqués sont à la peine.

Début 2018, on disait que 2018 serait une continuation de l’élan de 2017 et cet élan s’est subitement brisé cet automne. Allons-nous devoir passer 2019 sans moteur? Faut-il un ou des moteurs?

Fabrizio Quirighetti: Il y a vingt ans, on savait que lorsque les Etats-Unis se portaient bien, trois à six mois plus tard, l’Europe en bénéficiait. On avait un gros moteur et tout le monde suivait. Depuis, la Chine et les émergents ont pris de l’importance. Une sorte de bimoteur s’est mis en place: les Etats-Unis sont un peu un moteur indépendant et tout le reste – l’Europe, le Japon et les émergents – dépend beaucoup de la Chine. Cela a changé notre façon d’appréhender l’économie mondiale. Et cela explique aussi que la stabilisation de la Chine est un élément clé pour les actions européennes.

François Savary: Nous vivons dans un nouveau régime de volatilité. On a tendance à oublier qu’en mars 2009 l’indice S&P500 était proche de 600 points et qu’on se trouve actuellement autour de 2500 points. Pendant ces années, les investisseurs en ont profité. Mais on ne peut pas avoir un régime de volatilité aussi faible, amorcé par les banquiers centraux, et espérer que les actions gagnent 10 à 15% chaque année. C’est déraisonnable et irréaliste. Avec le nouveau régime et le cycle économique, est-il possible d’atteindre 5% de rendement annuel sur cinq ans? Ce qui signifie des années à +10% et d’autres à -10%.

Emmanuel Ferry: On sort d’un cycle qui a été dans l’excès sur les marchés. Nous avons vécu le marché haussier le plus détesté de l’histoire. En réalité, personne n’en a profité. On le voit grâce aux commissions des courtiers, qui n’ont pas progressé aussi vite que l’indice S&P500.

Loïc Schmid: La gestion systématique, effectuée par des ordinateurs, a créé des distorsions et découragé pas mal d’intervenants. On disait que les machines faisaient 60-70% du marché, mais je pense qu’elles font 90% du marché en ce moment, surtout aux Etats-Unis.

Quelle est votre stratégie d’investissement pour 2019?

Loïc Schmid: Une fois qu’une bonne nouvelle aura stabilisé le marché, on pourra repartir. Ma stratégie pour 2019 consiste à être flexible. Le paquebot qui suit le courant, c’est fini. Un changement de régime est en place. Il faudra privilégier les ventes sur rebonds, utiliser des dérivés dans la gestion et focaliser sur des sociétés solides, peu endettées.

Emmanuel Ferry: Lorsqu’on décompose la performance, on voit que le rendement des actions sera probablement la principale source de performances en 2019. L’effet de l’expansion des multiples est terminé, après la contraction assez marquée de 2018. Les bénéfices par action risquent plutôt d’être stables, voire de se contracter un peu.

Loïc Schmid: En 2019, on devra encore composer avec des rendements très faibles voire négatifs sur la partie obligataire de qualité et le cash en euros et en francs. Il faut donc réfléchir à d’autres stratégies sur ces actifs sans augmenter le risque global. Les émergents seront un des thèmes cette année. Cela dépendra du dollar, qui, dans mon scénario, va arrêter sa hausse, voire s’affaiblir un peu. Ce sera un élément stabilisateur et cela pourrait donner du vent arrière pour les actions américaines aussi. Ce qui m’inquiète le plus, c’est le sentiment. En fin d’année passée, j’ai eu des appels de gens qui paniquaient. Ça faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé.

François Savary: C’est plutôt bon signe! J’avoue que je n’arrive pas à paniquer et avoir l’envie de tout vendre. Nous avons investi très tôt sur les pays émergents, à tort. On a tenu, heureusement, et je ne sens pas de raison de tout lâcher. Mais le sentiment s’est vraiment tendu en fin d’année 2018, très rapidement, en l’espace de quelques semaines. Il y a peut-être eu aussi un sentiment de lassitude.

Vous attendez-vous à ce que les marchés soient orientés à la hausse en ce début d’année?

François Savary: La question est de savoir si la purge qu’on a eue depuis octobre a ramené les actions à des niveaux qui justifient de tenir bon, ou si on se trouve au début d’un processus qui, lié à une dégradation du sentiment, ferait qu’on n’est qu’à la moitié de la purge. Je pense qu’il faut tenir bon et qu’il est relativement intéressant pour quelqu’un de se positionner maintenant. Nous vivons une situation très particulière.

Emmanuel Ferry: La question est encore ouverte à mon avis. On ne peut pas exclure une baisse supplémentaire de 10% qui viendrait totalement nettoyer le marché et nous ramènerait sur un bas de la bande de fluctuation.

Loïc Schmid: Dans la deuxième partie de 2018, j’ai constaté que beaucoup d’intervenants ont refait les mêmes erreurs: placer 50% d’actions dans un portefeuille équilibré, puis ajouter des longs/shorts, des convertibles, des produits structurés. Ce qui équivaut à avoir quelque 75% d’exposition aux actions, directement ou indirectement. On arrive à une addition de risques dangereuse à mon avis pour ce type de profil.

Quelles classes d’actifs privilégiez-vous pour 2019?

François Savary: Très clairement, les actions que je préfère le moins sont les actions américaines. L’un des plus grands mensonges des deux dernières années a été l’idée qu’on a eu une réforme fiscale aux Etats-Unis. Or ça n’a été qu’une baisse d’impôts ahurissante. Les gens ont vécu avec ce mythe d’une réforme, qui pouvait justifier des attentes que les bénéfices par action augmenteraient de 20%, avant de se stabiliser à 10-15%, car il y aurait des investissements et des gains de productivité, dans une mécanique magnifique. Mais rien ne s’est matérialisé, à part le creusement du déficit budgétaire, qui n’a pas fini d’exploser, avec le ralentissement de l’activité économique. En outre, les systèmes sociaux comme Medicare et Medicaid vont commencer à vraiment coûter aux Etats-Unis, après avoir été accréditifs. La seule marge de manœuvre qu’il reste aux Etats-Unis est de faire baisser leur dollar. En revanche, je suis optimiste sur les émergents à un horizon de trois ans, car en Europe on ne commence pas à voir le début de la fin des problèmes politiques, du blocage, du vieillissement de la population. A trois ou cinq ans, les émergents doivent être plus présents dans un portefeuille.

Emmanuel Ferry: 2019 sera une année qui récompense le courage de l’investisseur. La fin de 2018 a provoqué une remise à zéro du sentiment, du positionnement et des valorisations. Le courage consiste à aller vers des choses contrariantes, par exemple du deep value [acheter les actions les moins chères avec une forte capacité de rebond, ndlr]. On en trouve sur les marchés émergents, la Chine, la dette locale émergente. L’or peut être une bonne alternative pour se diversifier du risque actions.

Fabrizio Quirighetti: Pour les investisseurs en francs suisses ou en euros, la situation est plus difficile, car même le cash a un coût. Mais une grande partie du monde financier réfléchit en dollars et peut trouver du rendement sans trop se casser la tête. Je souscris beaucoup à l’histoire des émergents. La correction des valorisations s’est déjà faite, il manque simplement un élément déclencheur. Cela pourrait être des chiffres chinois montrant que les mesures stabilisatrices ont un effet. Ou que le dollar n’est plus le dollar roi et qu’il se dirige plutôt vers 1,20 contre l’euro, et plus vers 1,10. Cette mécanique-là permettrait à des actifs qui ont connu de la volatilité et qui ont été dépréciés de retrouver de l’attrait vis-à-vis des investisseurs, car ils offrent de belles perspectives.

Loïc Schmid: En 2019, l’essentiel de la performance devrait venir des pays émergents, tant sur la devise que sur les solides perspectives de croissance. Le budget risque reste un élément clé, même si cette notion est encore complexe pour les clients. Il permet de se positionner sur un actif en mesurant au préalable son potentiel d’appréciation vis-à-vis de son risque de baisse. L’or reste un actif privilégié pour 2019, il pourrait bénéficier d’un potentiel revirement des banques centrales et d’une baisse du dollar. Toutefois, nous ne recommandons pas d’en mettre plus de 5% dans un portefeuille équilibré à cause d’un potentiel risque baissier d’environ 20% en cas de scénario contraire.


L’EUROPE

Quel regard portez-vous sur la situation de nos voisins européens, la France et l’Italie en particulier?

Fabrizio Quirighetti: La France est redevenue un pays périphérique au sein de l’Europe. Après l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017, je pensais que la France redeviendrait un pays du cœur de l’Europe et que cela créerait des problèmes pour l’Italie, qui se retrouvait seule puisque l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande avaient mené des réformes. L’Italie s’est bien retrouvée seule et d’ailleurs, lors de la crise de l’été dernier, seuls les spreads italiens [les écarts entre les taux d’intérêt demandés à l’Italie et les taux de référence, ndlr] se sont écartés. Mais avec ce qui se passe en France, l’Italie se retrouve presque avec un allié. Les spreads de la France se sont écartés, tandis que les spreads italiens se sont resserrés. Mi-décembre, notamment suite au mouvement des «gilets jaunes», Emmanuel Macron a dû lâcher du lest sur la politique budgétaire. La croissance devient aussi molle qu’au Japon. Les incertitudes et le bruit politique en plus.

François Savary: C’est une mauvaise nouvelle pour l’Europe, puisque avec la France et l’Italie, ce sont les 2e et 3e économies de la zone qui sont en difficulté. Je n’arrive pas à être surpondéré sur les actions européennes.

Emmanuel Ferry: Par ailleurs, 2019 marquera les 20 ans de l’euro. Le bilan est assez calamiteux. L’Europe connaît des problèmes de gouvernance. Au niveau des entreprises, aucun champion paneuropéen n’a émergé; au contraire, chaque pays a toujours ses champions nationaux, notamment dans le secteur bancaire. Les grands secteurs régulés ou quasi régulés comme les banques ou les services publics ont toujours un poids prépondérant. Le virage numérique a été complètement raté, alors que l’Europe avait été l’un des leaders de la précédente révolution, celle des télécoms. Enfin, la gestion de la crise financière a été calamiteuse: la Banque centrale européenne (BCE) a réagi avec deux ans de retard. Ces deux ans de croissance perdue ne seront jamais rattrapés. Les politiques d’austérité ont créé des tensions politiques et sociales énormes, on en voit encore les conséquences en France. Si on enlève les beaux morceaux de l’Europe – la Suisse, les pays du Nord et l’UK –, la zone euro est devenue très marginale.

Fabrizio Quirighetti: La capitalisation boursière de l’Europe par rapport au reste du monde ne fait que diminuer depuis dix, quinze ans.

Emmanuel Ferry: Et la capitalisation boursière de la zone euro par rapport à son PIB a également diminué. Cela pose un problème au moment où les banques ne financent plus l’économie. L’Europe est une somme de problèmes.

François Savary: Les systèmes sociaux européens ont besoin d’être financés par des forces vives et les enfants. Les pays européens souhaitent conserver ces systèmes sociaux, tout en voulant se fermer à l’immigration. C’est une aberration. D’ici à dix ans, l’Europe ne pourra pas assurer la retraite aux âges prévus ni les montants promis. C’est écrit. Malheureusement, l’Europe souffre d’un système sclérosé, qui ne va pas beaucoup avancer. Notre constat très négatif sur l’euro sera probablement le même dans dix ans.

Loïc Schmid: On peut aussi avoir une contagion française vers d’autres pays européens. Le mal français est aussi un mal européen. Les écarts de richesse créent passablement de déséquilibres au sein de la population. La montée en puissance du populisme et des extrêmes le prouve.

François Savary: La «périphérisation» de la France est un problème, car c’est une économie pivot pour l’Europe. L’Espagne et le Portugal ont mené des réformes parfois très sévères, mais efficaces. Ce sont peut-être les futures France de demain. La France et l’Italie ont une capacité à se prendre pour le centre du monde alors qu’elles ne le sont plus depuis longtemps. Ces pays continuent à vivre en étant persuadés d’avoir la science infuse.

Emmanuel Ferry: Les forces de dislocation sont très fortes en Europe et Donald Trump appuie dessus. Je dirais même que c’est une très bonne nouvelle, car cela forcera les Européens à avoir un sursaut.

François Savary: Mais comment avoir un sursaut avec des partis qui sont fondamentalement anti-européens? Ce qui rassemble la majeure partie des partis dits populistes est la peur de l’autre. On ne peut pas construire l’Europe, principalement fondée sur l’idée de l’acceptation de l’autre, avec des partis qui mécaniquement n’aiment pas l’autre. Un sursaut me paraît naïf, il n’y a pas de valeurs communes en Europe. Les Français veulent un budget qui serait redistributif à outrance. Les Allemands ne veulent pas d’un budget commun. Les Italiens ne veulent pas d’une politique de défense commune qui leur coûterait de l’argent. Comment construire des valeurs communes dans une telle Europe?

Emmanuel Ferry: Dans l’adversité. Il faudrait une situation dramatique pour déclencher une réaction. L’Europe a toujours rebondi sur des crises importantes. Sans sursaut, la situation va continuer à se déliter.

François Savary: Je crois de moins en moins à la capacité de rebond de l’Europe. Une solution serait qu’elle évolue vers un fonctionnement par cercles, avec des participations sur des projets communs. Mais ce n’est pas possible aujourd’hui: les Européens de l’Est n’ont plus aucune envie de participer, car ils ont attiré des capitaux, leurs économies se développent, l’Allemagne investit dans toute la région. Pour eux, la vieille Europe doit vivre avec ses systèmes et gérer son passé. Je doute qu’un sursaut puisse provoquer quelque chose de commun.

Quelle analyse faites-vous de l’Italie en particulier?

Fabrizio Quirighetti: Dans le monstre à deux têtes qui gouverne l’Italie, le ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue [extrême droite, ndlr], Matteo Salvini, est en train de prendre l’ascendant. Comme son électorat est largement composé de chefs de PME, si les spreads italiens montent un peu trop haut, il calmera le jeu. L’Italie fait face aux mêmes problématiques et défis que les autres pays développés, mais de manière plus aiguë et urgente car la croissance est déjà structurellement plus faible.

François Savary: L’Italie doit investir dans l’éducation, améliorer la productivité, couper les salaires, ajuster les coûts réels. Matteo Salvini est-il capable de le faire? Je n’y crois pas du tout. Il s’intéresse seulement aux retraites. Il sera très difficile de mener des réformes avec quelqu’un comme lui au pouvoir pendant plusieurs années.

Loïc Schmid: Avec un endettement à plus de 130% de son PIB, un scénario à la grecque est possible pour l’Italie. Les mesures de relance doivent être menées avec prudence pour éviter de plonger le pays dans une spirale infernale.

Emmanuel Ferry: Historiquement, l’Italie a toujours été un laboratoire politique de l’Europe, pour le meilleur et pour le pire. Souvent pour le pire.


LA SUISSE

Dans ce monde que vous venez de décrire, à quoi vous attendez-vous pour la Suisse cette année? Le consensus des économistes s’attend à une croissance de 1,8%, après 2,6% en 2018, selon l’institut KOF.

François Savary: Je pense que 1,8% est assez crédible. Le troisième trimestre 2018 a démontré que les questions commerciales ont déjà impacté les pays les plus ouverts sur l’extérieur, Allemagne et Suisse. Cette année, il faudra surtout regarder si la faiblesse sur les exportations suisses est passagère. En 2018, le consensus avait été relativement bas en début d’année, alors que les chiffres économiques indiquaient que la situation était meilleure que ce que l’on pensait.

Fabrizio Quirighetti: Etant une petite économie très ouverte, la Suisse doit espérer que l’Europe ne rencontre pas trop de problèmes. Le Brexit – s’il a lieu – pourrait aussi avoir des répercussions sur la relation entre la Suisse et ses partenaires européens.

Loïc Schmid: Concernant la Suisse, ce qui m’inquiète le plus est le niveau des valorisations des actions. Certains titres sont encore sur des niveaux stratosphériques. Il n’y a pas d’alternative, oui, mais je suis très inquiet pour certaines actions. Par ailleurs, les trois grands – Nestlé, Novartis et Roche –, qui représentent à eux trois près de 60% de la cote, ont maintenant un potentiel haussier très limité malheureusement.

François Savary: Néanmoins, Nestlé et Novartis sont en phase de repositionnement très marquée. Sous l’impulsion de son nouveau directeur général, Novartis se réoriente vers les nouvelles technologies, les datas, la pharma de demain et se sépare des pans d’activité qui étaient recherchés il y a cinq ou dix ans, comme les génériques. Nestlé veut restructurer ses produits et peut-être céder sa participation dans L’Oréal, et peut-être procéder à des rachats d’actions. Ces histoires, en plus de leur caractère défensif, justifient que ces actions aient des valorisations un peu élevées. Dans l’environnement actuel avec des perspectives économiques mitigées, je ne vois pas pourquoi un investisseur devrait se séparer des défensives. Il faut avoir des défensives, mais il ne faut plus en ajouter. Et je ne crois pas qu’il faut les liquider.

Emmanuel Ferry: Sur le marché suisse, le segment des moyennes capitalisations a été surjoué par les investisseurs. Il s’agit de très bonnes entreprises, mais l’absence de liquidité fait que leurs actions ont beaucoup souffert depuis début octobre dernier. Quand ce marché est haussier, c’est fantastique. Mais quand il se retourne, la sanction peut être très forte. Le marché actions suisse a vécu un violent rééquilibrage vers les grandes actions défensives au printemps 2018. Ensuite, elles ont alimenté l’afflux vers les actions de qualité et peu risquées.