En 2020, la mort de l'épargne
Prospective
Après les frais bancaires, le rendement des avoirs de l’épargnant est négatif. Quant à son 2e pilier, principal avoir de la classe moyenne, il est rongé par la baisse continue du taux de conversion

L’économie, en Suisse et dans le monde, sera mise à l’épreuve sur tous les fronts au cours de cette année: emploi, industrie, finance, régulation et climat. Des défis herculéens, au vu des risques conjoncturels et politiques qui se profilent. La rubrique économique du «Temps» en a identifié douze, pour lesquels elle se risque au jeu des pronostics.
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Le paradoxe paraît énorme. L’épargne n’a jamais été aussi abondante dans le monde. Pourtant, comme le déclare Zeno Staub, directeur général du groupe Vontobel, «l’épargne est morte» du fait de l’absence de rémunération sur les disponibilités. Les taux d’intérêt négatifs introduits par les banques centrales et leurs politiques non orthodoxes ont accru l’incertitude des épargnants, si bien que 80% des portefeuilles jusqu’à 1 million de francs sont en cash.
La situation est unique et contredit le principe économique selon lequel l’avenir est plus incertain que le présent. En théorie, le taux d’intérêt est en effet positif en raison de la prime (sous forme de taux d’intérêt) accordée à l’épargnant pour renoncer à une consommation immédiate. Les taux négatifs signifient que l’avenir devient moins incertain que le présent. Une absurdité.
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Cette anomalie produit quantité de graves effets secondaires. Le premier est redistributif. Une personne (ou un Etat) endettée en sort gagnant, à l’inverse de celle qui épargne. Comme la dette publique n’a cessé de croître, même après la crise de 2008, ce sont les Etats qui en profitent. On nomme d’ailleurs «répression financière» la politique qui dirige les capitaux privés vers les gouvernements. Le procédé favorise le détenteur d’actions et d’immeubles et pénalise celui qui n’a qu’un carnet d’épargne.
L’épargne de la classe moyenne se situe essentiellement dans les caisses de pension. La baisse du taux de conversion pour la partie surobligatoire du revenu (au-dessus de 85 320 francs) produit une diminution des rentes. Le recul est d’un tiers en dix ans. D’autre part, la caisse de pension ne rémunère l’avoir de vieillesse que faiblement (taux d’intérêt minimum LPP de 1%). La performance qui dépasse ce rendement lors d’une bonne année boursière sert à renforcer les réserves de la caisse de pension.
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L’avenir est encore plus sombre puisque les objectifs de rendement des caisses de pension continuent de diminuer. Pour les dix prochaines années, beaucoup d’entre elles prévoient un rendement annuel inférieur à 2%. La confiance, moteur de l’économie, a disparu. D’ailleurs, la retraite est la première préoccupation des Suisses.
En 2020, il ne reste à l’épargnant qu’à tenter de renforcer son 3e pilier, ses actions (de préférence dans des sociétés familiales plutôt que proches de l’Etat), rénover son logement s’il est propriétaire – mais en évitant de spéculer sur une branche en situation de surchauffe – et ses positions en or.
Les phases de «répression financière» durent plusieurs décennies, selon l’historien Tobias Straumann. La solution est pourtant connue. Plutôt que d’intervenir, les banques centrales doivent cesser leurs interventions pour que redémarre l’épargne, donc l’investissement, l’innovation et, in fine, l’emploi.