Trafigura s’est inquiété auprès de Credit Suisse d’une créance douteuse liée à la société Greensill Capital, révèle le Financial Times en une de son édition de jeudi. La maison de négoce de matières premières genevoise a averti durant l’été 2020 le numéro deux bancaire helvétique au sujet d’une facture qu’elle devait apparemment à cette société liée au magnat de l’acier Sanjeev Gupta, selon plusieurs sources du quotidien anglo-saxon.

Cette révélation tombe au moment où le niveau de diligence exercé par Credit Suisse sur ses fonds fait l’objet d’une attention croissante. Plusieurs actions en justice d’investisseurs s’estimant lésés dans le cadre de l’affaire Greensill sont envisagées. Des fonds de Credit Suisse portant sur une valeur de 10 milliards de dollars et liés à cette société spécialisée dans le financement de la chaîne d’approvisionnement se sont en effet effondrés ces derniers mois. Des cadres et des clients de Greensill sont soupçonnés de fraudes.

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Credit Suisse a indiqué que 1,2 milliard de dollars de dettes liées à Sanjeev Gupta, l’un des principaux anciens clients de Greensill, seront difficiles à recouvrer.

Trafigura a eu ces dernières années des relations d’affaires avec Sanjeev Gupta. Le magnat de l’acier a commencé sa carrière comme négociant en matières premières avant d’acheter des usines de métaux. La firme genevoise lui a acheté des métaux, elle lui aurait aussi fourni une partie d’un prêt de 350 millions de dollars soutenant son achat d’une fonderie d’aluminium française en 2018.

Trente millions de dollars

Trafigura aurait tiré la sonnette d’alarme auprès de Credit Suisse en juillet 2020 au sujet d’une prétendue créance figurant dans les comptes annuels de l’un des fonds de Greensill, selon le FT. Ce document indiquerait que la multinationale genevoise devait de l’argent à Liberty Commodities, la principale entreprise de négoce de métaux de Sanjeev Gupta.

Avant son implosion en mars, Greensill prêtait de l’argent à ses clients, dont Liberty, et prenait en garantie les factures de leurs fournisseurs ou clients. Les prêts étaient ensuite regroupés en investissements et vendus à des fonds, principalement ceux gérés par Credit Suisse.

Les comptes des fonds en question indiquent que Liberty Commodities a obtenu un financement de Greensill contre une facture de 30 millions de dollars à Trafigura. Les investisseurs des fonds de Credit Suisse auraient autrement dit dû obtenir un rendement lorsque Trafigura a payé la facture, ce qui n’aurait pas été le cas.

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Les dirigeants de Trafigura ont signalé à Credit Suisse qu’ils ne croyaient pas en l’authenticité de cette facture. La banque a par la suite contacté Lex Greensill, le fondateur de la société qui porte son nom, qui leur a expliqué qu’il devait y avoir un malentendu, selon le FT. Contacté, le service de presse de Trafigura ne souhaite pas faire de commentaires.

La semaine dernière, l’agence Bloomberg a signalé que la division de Trade Finance de Credit Suisse avait arrêté en 2016 de financer l’activité de Sanjeev Gupta, à la suite de soupçons de fraudes, ce qui n’a pas empêché une autre entité de la banque de lui accorder par la suite des financements pour un total de 1,2 milliard de dollars. Les autorités britanniques, notamment le Serious Fraud Office, ont ouvert plusieurs enquêtes pour faire la lumière sur ces affaires.