L’héritage de cette dernière décennie est sans doute la montée en puissance des flux financiers de court terme dans la détermination de la position extérieure des pays développés et de leurs devises: une situation bien connue des pays émergents. La globalisation et la délocalisation ont transféré les investissements de long terme dans les activités industrielles des pays émergents. En créant un déficit structurel des flux de long terme, la délocalisation a accentué le rôle des flux en portefeuille de court terme pour déterminer les valeurs de change de nos devises. Et, dans un environnement de taux d’intérêt zéro et de faible retour sur investissement, ces capitaux sont gérés avant tout sur la base du contrôle de risque de la valeur du capital. Le sentiment des investisseurs face à la politique menée accapare une place de marque dans la définition de la valeur de la devise. En octobre dernier, la déception face à la politique monétaire de la Réserve fédérale et la saga budgétaire ont défrayé la chronique, accentuant le mouvement de vente des obligations du Trésor américain, largement entamé depuis le mois de mai dernier, et affaiblissant d’autant le dollar. Cet épisode rappelle à la banque centrale américaine la nécessité d’évaluer en permanence les effets directs et indirects de sa sortie de politique de rachats de titres du Trésor.
La normalisation des taux d’intérêt et le retour de la protection du capital contre l’érosion de l’inflation, prévus pour 2014, devraient permettre une gestion de plus long terme des investissements en portefeuille. La sensibilité au risque politique pourrait s’atténuer automatiquement, mais dans les faits, la Fed va devoir jongler entre l’arrêt progressif de ses achats de titres du Trésor et les sorties de dollars. Pourvu que la saga budgétaire ne vienne pas encore jouer les trouble-fêtes et entacher la crédibilité des autorités, tant budgétaires que monétaires: l’affaiblissement du dollar sera alors la partie visible de l’iceberg…
* Cheffe économiste, BCGE