Finance
Retrouver ses esprits, limiter la casse et entamer la contre-attaque. Après la nuit blanche de panique vécue par la City entre jeudi et vendredi, les financiers de Londres essaient d’évaluer les dégâts. Ils le savent, le vote des Britanniques

Retrouver ses esprits, limiter la casse et entamer la contre-attaque. Après la nuit blanche de panique vécue par la City entre jeudi et vendredi, les financiers de Londres essaient d’évaluer les dégâts. Ils le savent, le vote des Britanniques pour sortir de l’Union européenne (UE) est en partie un désaveu cinglant envers eux. Malgré les avertissements des économistes, des grandes banques, des institutions de la City, les électeurs n’ont rien voulu savoir.
Sur les marchés, la livre sterling s’est reprise en fin de journée vendredi, après avoir chuté initialement de 10%. Le FTSE-100, l’indice phare de la bourse de Londres, a clôturé vendredi en baisse de 3,15%. «En partie, la baisse de la livre sterling a compensé les dommages sur les entreprises, parce que 70% du chiffre d’affaires des entreprises cotées sont réalisés hors du Royaume-Uni», explique Mark Burgess, le directeur des investissements pour l’Europe à Columbia Threadneedle Investments, une société de gestion. Il n’en pense pas moins que le Royaume-Uni va probablement entrer en récession cette année.
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Mark Burgess cherche pourtant à relativiser l’impact sur la City. «C’est évidemment une très mauvaise nouvelle, la City va perdre en taille. Mais les fonds d’investissement ne vont pas déserter Londres.» Mark Boleat, le président des politiques de la corporation de la City, partage le même point de vue. «On ne va pas connaître un exode des banques et des institutions financières.» L’Autorité bancaire européenne qui se trouve à Londres sera, elle, rapatriée sur le continent au plus tard dans un délai de deux ans.
«C’est un mauvais coup»
Jeremy Browne est le représentant de la corporation de la City à Bruxelles. Cet ancien secrétaire d’Etat libéral-démocrate, proeuropéen, ne cache pas son choc. «Je me suis réveillé à 4h30 vendredi matin, en pensant que le «remain» l’avait emporté, confie-t-il. C’est un mauvais coup.»
Impossible de faire semblant que rien ne s’est passé. «C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour la City. Mais tout ne souffrira pas, loin de là. Si vous faites du financement d’assurance de cargos, ou que vous servez le marché britannique, ça n’aura pas d’impact, sauf peut-être à la marge.»
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Surtout, le lobbyiste veut préparer la contre-attaque. «Nous voulons conserver autant d’accès possible au marché unique qu’il est politiquement autorisé de le faire.» Si la phrase est un peu alambiquée, c’est qu’il sait que la négociation avec Bruxelles s’annonce difficile.
Le marché unique inclut deux éléments inséparables: libre circulation des biens et services, mais aussi des personnes. Mais les partisans du Brexit ont fait deux promesses contradictoires: limiter l’immigration européenne tout en conservant le commerce avec l’Union européenne. Il va falloir choisir entre les deux. Difficile, après une telle campagne électorale centrée sur «le contrôle des frontières», d’imaginer des compromis sur ce point. Du coup, Bruxelles risque de ne pas vouloir donner accès au marché unique.
En particulier, la City bénéficie actuellement du système de passeport, qui lui permet de vendre ses produits financiers à travers toute l’Union européenne. «C’est le gros lot qu’on veut conserver», reconnaît Jeremy Browne. Mais on imagine mal la France ou l’Allemagne tentées de faire une fleur sur ce sujet. D’autant qu’aucun pays hors de la construction européenne ne l’a jamais obtenu, pas même la Suisse.