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Après les violences du Capitole, les entreprises suisses sanctionnent des politiciens américains

UBS, Credit Suisse, Roche, Novartis suivent l’exemple des entreprises américaines. Après les événements à Washington le 6 janvier, leurs collaborateurs ont suspendu tout soutien financier à la classe politique américaine

Des manifestants ont donné l’assaut au Capitole le 6 janvier sous l’influence du président Donald Trump, affirmant que les résultats du scrutin présidentiel de novembre étaient truqués. — © John Minchillo/AP Photo
Des manifestants ont donné l’assaut au Capitole le 6 janvier sous l’influence du président Donald Trump, affirmant que les résultats du scrutin présidentiel de novembre étaient truqués. — © John Minchillo/AP Photo

Les filiales des entreprises suisses aux Etats-Unis ont suspendu le financement de partis politiques jusqu’à nouvel ordre. Elles suivent ainsi l’exemple de nombreuses sociétés américaines qui ont décidé de rompre avec la classe politique dans le sillage de l’assaut lancé le 6 janvier contre le Capitole par les partisans du président Donald Trump qui contestent encore les résultats du scrutin présidentiel. Outre les dégâts matériels, cinq personnes y ont perdu la vie.

Le système politique américain interdit aux entreprises de financer directement les formations politiques. En revanche, depuis 1943, leurs collaborateurs peuvent le faire par le biais d’un Public Accounts Committee (PAC). Quelque 4000 comités de salariés d’entreprises sont actifs et leur apportent un soutien financier.

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«Credit Suisse en tant que tel ne verse pas de contributions financières directes aux partis politiques aux Etats-Unis, confirme son porte-parole au Temps. Compte tenu des événements de la semaine dernière, aucune contribution financière ne sera versée à des partis politiques ou à des particuliers par l’intermédiaire de son PAC jusqu’à nouvel ordre.» UBS dit la même chose. «A la suite des événements choquants qui se sont déroulés au Capitole, le PAC d’UBS a suspendu toute contribution aux partis politiques et a décidé de revoir les critères pour les futures contributions. Le PAC UBS ne finance pas l’élection présidentielle, mais fait des donations à parts égales aux démocrates et aux républicains.»

Des dons de 7 millions de dollars

En réalité, seule une poignée de filiales d’entreprises suisses aux Etats-Unis participent au financement des formations politiques. Outre les deux grandes banques, les pharmas Novartis et Roche (par le biais de sa filiale américaine Genentech), ainsi que Swiss Re et Syngenta disposent de leur propre PAC. Selon le Tages-Anzeiger   de samedi, le PAC de Genentech a suspendu les dons aux membres du Congrès qui ont contesté les résultats des élections du 6 novembre.

Selon le site internet d’Opensecrets.org, qui veille sur la responsabilité des partis politiques aux Etats-Unis, UBS, Credit Suisse, Novartis et Roche ont contribué ensemble pour quelque 7 millions de dollars. A titre de comparaison, pour l’élection présidentielle de 2020, les PAC ont levé environ 450 millions de dollars de fonds.

Des élus républicains directement visés

Ces décisions font suite au mouvement lancé par les PAC associés à des entreprises américaines. Certains ont choisi de cesser leurs dons en faveur des 147 membres du Congrès qui ont voté contre la certification des résultats électoraux. Parmi elles, on retrouve des géants comme Amazon, la plateforme de location de logements Airbnb, le fournisseur de services téléphoniques AT&T ou encore le groupe spécialisé dans l’hôtellerie de luxe Marriott.

Ces annonces, indépendamment des montants, devraient avoir un effet concret sur la vie politique américaine. «Ces élus passent leur temps à faire de la levée de fonds, souligne Nicole Bacharan, politologue et spécialiste des Etats-Unis. Ils vont être mis en difficulté car la campagne pour les représentants commence dès maintenant. Dans deux ans, il y a des élections.»

Des entreprises en retrait de la vie politique

Les PAC d’autres entreprises, comme UBS, ont pour leur part annoncé qu’ils stoppaient leurs dons en faveur de l’ensemble des représentants politiques, qu’ils aient voté ou non contre la certification des résultats. «Ces entreprises éprouvent le besoin de faire une mise au point sur leur rôle dans la sphère politique», ajoute Nicole Bacharan.

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Pour autant, la chronologie de ces annonces interroge sur leurs motivations. «Elles ont eu lieu après la certification des résultats, souligne Anne Deysine, professeure à l’Université Paris Ouest-Nanterre et autrice de Les Etats-Unis et la démocratie. Elles se sont rendu compte que Donald Trump était un «actif» brûlant dont elles ont tout intérêt à s’éloigner. Avant, elles pouvaient espérer des avantages de leurs contributions électorales.»

D’autant que la plupart des PAC ont annoncé suspendre leurs donations pour une durée déterminée. Du côté de Facebook, la décision court pour le premier trimestre de l’année, ou encore pour six mois pour la banque JPMorgan. Le temps de voir se dessiner les nouveaux équilibres politiques, surtout au sein du Parti républicain vis-à-vis des élus soutiens de Donald Trump.