Des «sérieux enseignements» doivent «être tirés». C’est le message de Thomas Gottstein, patron de Credit Suisse, qui communiquait ce mardi toute une série de décisions liées à la débâcle du hedge fund Archegos. Cette dernière lui aura coûté tout son profit prévu pour le premier trimestre, et même davantage: la perte causée par le fonds new-yorkais est chiffrée à 4,4 milliards de francs. Sur l’ensemble des trois premiers mois de l’année, Credit Suisse, qui publiera ses résultats complets et plus précis le 21 avril, est dans le rouge: moins 900 millions.

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Ces 4,4 milliards sont dans le haut de la fourchette attendue, souligne Andreas Venditti, analyste chez Vontobel. Cela fait même de Credit Suisse la banque la plus affectée par la débandade de ce hedge fund. La perte limitée à 900 millions est le résultat d’un début d’année très solide sur le plan opérationnel, ajoute le spécialiste. Pourtant, poursuit-il, «alors que les dégâts à court terme semblent moins sévères que craint, les conséquences globales de la perte de réputation seront visibles seulement à terme».

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Changements dans la direction

C’est sans doute ce qui explique une série d’autres mesures: le responsable de la banque d’investissement, là où a lieu le scandale Archegos, Brian Chin, est congédié. Tout comme la responsable des risques et de la compliance, Lara Warner, également pointée du doigt pour n’avoir pas ou pas suffisamment alerté sur les fonds liés à Greensill, une société britannique qui a fait faillite en mars. Cette autre affaire pourrait entraîner d’autres pertes pour la banque, qui ne les a pour l’instant pas encore chiffrées. Ces deux responsables avaient pourtant été promus par Thomas Gottstein l’été dernier.

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C’est Christian Meissner qui reprend la responsabilité de la banque d’investissement, Joachim Oechslin qui obtient la fonction de responsable des risques de façon provisoire, tout comme Thomas Grotzer pour la compliance. La fonction de Lara Warner est ainsi de nouveau séparée en deux après avoir été réunie l’été dernier. Il s’agit dans les trois cas de solutions internes. Credit Suisse annonce également plusieurs enquêtes externes pour comprendre ce qui s’est passé dans l’affaire Archegos, que Thomas Gottstein lui-même a jugé «inacceptable», de même que dans le cas Greensill.

Dividende divisé par trois

Les actionnaires, déjà échauffés par ces affaires et par la chute du cours du titre depuis le début de l’année, en prendront aussi pour leur grade: le programme de rachat d’actions annoncé pour l’ensemble de l’année et devant atteindre 1 à 1,5 milliard de francs est suspendu. Le dividende prévu à 0,2926 franc est finalement divisé par trois, à 10 centimes.

Les responsables de Credit Suisse veulent néanmoins prendre une partie de la responsabilité en coupant leur rémunération. Particulièrement décriée, celle d’Urs Rohner est réduite. Mais, alors que certains actionnaires demandaient qu’il parte les mains vides, le président du conseil d’administration, qui quitte son poste à la fin du mois, touchera 1,5 million de moins que prévu, soit 3,2 millions. De son côté, la direction de la banque renonce aux bonus pour 2020. Certainement conscient d’essuyer un échec, Credit Suisse retire le vote sur la décharge des administrateurs, coutume presque systématique des assemblées générales. Plusieurs actionnaires ou conseillers d’actionnaires avaient déjà annoncé qu’ils refuseraient ce sésame permettant aux administrateurs de ne pas être poursuivis en justice.

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Credit Suisse assure que son ratio de fonds propres restera ainsi en dessus de 12% à la fin du trimestre malgré ces mésaventures. Les ratios d’endettement devraient eux aussi être supérieurs au minimum légal.

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