La chronique des changes
Beaucoup d’analystes n’ont pu cacher leur déception face aux nouvelles mesures dévoilées jeudi dernier par Mario Draghi

Alors que le marché rongeait son frein dans l’attente de la vague massive d’assouplissement quantitatif anticipée à l’occasion de la réunion de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi dernier, beaucoup n’ont pu cacher leur déception face aux nouvelles mesures concrètes dévoilées par Mario Draghi et ses collègues. Les marchés mondiaux et le marché des devises en particulier, qui attendent désespérément un signe de la banque centrale pour savoir sur quel pied danser.
Dans ce contexte, les principales banques centrales se sont montrées extrêmement prudentes par rapport aux attentes des marchés, en annonçant la plupart du temps leurs intentions de manière très clair dans le but d’éviter les mauvaises surprises. À l’exception peut-être de la Banque du Japon, qui a pris de court le marché à deux reprises en allant plus loin que les mesures d’assouplissement annoncées, mais ce avec une telle dextérité qu’elle a profité de l’effet de surprise pour renforcer l’impact de sa politique.
Mais la réunion de la BCE la semaine dernière est pour moi le cas le plus flagrant rencontré dernièrement sur les marchés d’une promesse non tenue, à l’opposé des habitudes de Mario Draghi. Les mesures annoncées ont clairement déçu des marchés trop offensifs sur tous les fronts. La BCE n’est pas parvenue à accroître le rythme des achats et n’a fait que prolonger le programme de six mois, tout en réduisant moins que prévu le taux de facilité de dépôt. Et avant tout, la BCE n’a fait qu’attiser la flamme des experts, qui s’attendaient à une initiative de plus grande ampleur. La réaction du marché ne s’est pas fait attendre: le taux de change euro/dollar a bondi de 3%, soit la deuxième plus forte progression en un seul jour de l’histoire de la finance, et la plus importante depuis six ans.
Il est possible d’interpréter de deux manières les annonces de Mario Draghi. Soit la zone euro montre de vrais signes de reprise et cette intervention politique, la dernière a priori, est destinée à garantir un rythme d’inflation suffisant pour les deux prochains trimestres afin d’éradiquer tout risque déflationniste au niveau du cours des matières premières. Soit Mario Draghi voulait en fait un programme de plus grande ampleur, mais les partisans de la prudence au sein du conseil des gouverneurs de la BCE l’en ont empêché, mettant un point final aux perspectives d’un nouvel assouplissement de la part de la BCE, à moins d’un effondrement des chiffres en Europe.
Quelle que soit l’interprétation adoptée, cette réunion de la BCE a modifié les perspectives de la «divergence des politiques monétaires», ce qui a permis de faire passer le taux de change euro/dollar de plus de 1,30 à moins de 1,10 ces quinze derniers mois. A partir de maintenant, l’écart entre les politiques de la BCE et de la Fed va continuer de se creuser, ce qui permettra à Janet Yellen de remonter les taux de la Fed l’an prochain à un rythme plus élevé que les 50 points de base par an environ escomptés actuellement par le marché.