Malgré de nombreux facteurs, tant cycliques que structurels, qui plaident en faveur d’un dollar plus fort, le billet vert est resté jusqu’à présent étonnamment faible contre l’euro et le franc suisse. A mon grand dam et à la surprise de nombreux stratégistes qui se sont positionnés en faveur du billet vert. Il ne se passe donc plus une semaine sans qu’on vienne me demander si je suis toujours «bullish» dollar, avec dorénavant un sourire narquois en prime, ou que je tombe sur une étude plus ou moins pertinente expliquant les raisons de cette non-appréciation du dollar.

En effet, il se pourrait bien que cette tendance, ou plutôt cette absence de tendance puisque le cours euro/dollar est resté relativement stable autour de 1,30 depuis dix-huit mois, respectivement autour de 0,95 contre le franc suisse, persiste encore quelque temps. Car si tous les éléments semblent bel et bien en place pour un retour en grâce du billet vert (perspectives de croissance plus favorables, réduction des déficits jumeaux, parité de pouvoir d’achat sous-évaluée, révolution énergétique due au gaz de schiste et réindustrialisation), il manque encore malheureusement un catalyseur.

Certains évoquent une résurgence de la crise de la dette souveraine en zone euro, d’autres encore une politique monétaire plus agressive de la part de la BCE, mais le véritable déclencheur est à chercher, selon moi, directement du côté des Etats-Unis et de sa politique monétaire. Pour ma part, il ne fait aucun doute que les éléments évoqués précédemment ne pourront être validés, significativement aux yeux des marchés, que le jour où la Fed remontera son taux directeur. C’est-à-dire probablement pas avant l’été prochain au plus tôt. Mais pourquoi donc alors continuer à tenir ces positions en dollars?

J’y vois trois raisons. La première c’est que les fondamentaux plaident sans équivoque dans ce sens et que, même si l’on a tendance à vite l’oublier en se frottant aux marchés, la patience demeure une vertu. Ensuite, si cet investissement ne s’est pas encore révélé payant, il n’a pas non plus affecté négativement les portefeuilles. Ce qui devrait vous permettre de garder l’esprit tranquille et ainsi de patienter encore plus longtemps. Finalement, et ce n’est pas la moindre des raisons, mon raisonnement pourrait s’avérer erroné… A ce jour, l’euro reste malheureusement encore tout à fait capable de creuser sa propre tombe et d’y entraîner en partie l’économie suisse dont la moitié des exportations, soit un quart de son PIB, vont à destination de cette zone. Le dollar restant probablement le meilleur actif pour se protéger de ce scénario adverse, je vous conseille donc d’attendre patiemment et l’esprit plus tranquille, tout comme moi, le retour de Godot.

* Chef économiste, Banque Syz & Co