La France met fin à ses poursuites contre HSBC Private Bank. L’établissement genevois a annoncé avoir conclu un accord avec les autorités françaises aux termes duquel elle leur verse 300 millions d’euros (350 millions de francs). En échange, les poursuites dont elle faisait l’objet pour démarchage illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale depuis le 18 novembre 2014 sont abandonnées.

Cette procédure était basée sur les informations bancaires de clients français de HSBC, qui avaient été volées par l’ancien informaticien de la banque Hervé Falciani, dans les années 2006-2007. Ces données avaient servi de base aux révélations SwissLeaks publiées par le Consortium international des journalistes d’investigation et ses médias partenaires, dont Le Temps, en février 2015. Elles décrivaient des pratiques d’évasion fiscale à grande échelle au sein de HSBC Private Bank.

Deux anciens dirigeants toujours poursuivis

Dans le détail, ces 300 millions d’euros se composent d’un remboursement de 142 millions correspondant aux impôts qu’auraient dû payer les clients français qui dissimulaient leurs avoirs auprès de la banque, d’une amende de 70 millions d’euros et du remboursement des profits indus encaissés par HSBC Private Bank.

Aucun collaborateur actuel de la banque genevoise n’était visé par la procédure qui vient d’être close, selon nos informations. Mais deux anciens dirigeants de la banque restent pénalement poursuivis, selon un communiqué du parquet national financier (PNF) diffusé mardi après-midi.

Cet accord constitue également la première application de la Convention judiciaire d’intérêt public, en vigueur en France depuis fin 2016. Ce mécanisme, directement inspiré de l’accord de non-poursuite existant aux Etats-Unis, permet à une entreprise de négocier l’abandon de poursuites à son encontre sans qu’elle doive reconnaître sa culpabilité. Il n’est pas assorti d’une période de surveillance accrue sur les activités de la banque.

Amende de 1,4 milliard refusée

Selon un rapport de la Cour des comptes française d’octobre dernier, HSBC Private Bank avait en 2015 refusé de payer une amende de 1,4 milliard d’euros qui aurait dû s’accompagner d’une reconnaissance de culpabilité, car «négociée dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable». Le parquet national financier français avait alors requis son renvoi devant le Tribunal correctionnel de Paris pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale le 10 mars 2015.

Moins d’un mois plus tard, le groupe HSBC était à son tour poursuivi pour avoir participé aux agissements frauduleux de sa filiale et avoir failli dans son devoir de surveillance. Une caution de 1 milliard d’euros avait été décidée par la justice française, correspondant à un peu moins de la moitié des sommes blanchies, soit 2,2 milliards d’euros selon les calculs des juges français à l’époque. Mardi, le parquet national financier a évalué ces avoirs cachés à plus de 1,6 milliard d’euros. C’est ce montant qui a été retenu pour l’accord dévoilé ce mardi, selon nos informations.

La caution imposée à la maison mère HSBC avait par la suite été ramenée à 100 millions d’euros par un tribunal parisien, rappelle encore le rapport de la Cour des comptes. Le groupe HSBC a bénéficié d’un non-lieu dans ce dossier lundi 13 novembre.

En Suisse, les SwissLeaks avaient également donné lieu à l’ouverture d’une procédure pour blanchiment aggravé à l’encontre de HSBC Private Bank, en février 2015. Elle s’était conclue quatre mois plus tard par un accord entre le Ministère public genevois et la banque. Cette dernière échappait à une éventuelle condamnation pénale, moyennant le paiement de 40 millions de francs, le montant le plus élevé que la justice genevoise ait obtenu au cours de son histoire.

Quatre dossiers problématiques

L’enquête du parquet genevois avait constaté des failles organisationnelles en matière de lutte contre le blanchiment, ce qui confirmait les conclusions d’un rapport de la Finma, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, publié en février 2015. Mais le Ministère public avait rencontré des difficultés à démontrer des actes de blanchiment international parmi des faits qui concernaient d’anciens clients et employés, ainsi que des comptes clôturés. Quatre dossiers problématiques avaient été identifiés, avait précisé à l’époque le premier procureur Yves Bertossa, qui avait accepté une solution négociée aussi parce que HSBC «avait pris des mesures internes».

Depuis, la banque a «significativement» renforcé ses équipes de contrôle du risque et de la conformité (compliance), peut-on lire dans son rapport annuel. Sa couverture géographique est passée de plus de 150 pays en 2007 à environ 20 marchés actuellement, tandis qu’elle a relevé le seuil d’entrée pour ses clients à 5 millions de dollars de fortune. Les avoirs qu’elle gère sont passés de près de 120 milliards de dollars en 2007 à moins de 50 milliards fin 2016.

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