Les banques ont arrêté d’utiliser la BNS pour des profits en dollars
Plomberie financière
Par une facilité supposée éviter les tensions sur les marchés, les établissements saisissaient l’opportunité de faire des profits. Non seulement la manœuvre dévoyait le système, mais en plus elle allait contre la politique monétaire de l’institution
Les montants doublaient chaque semaine depuis la fin septembre. Et d’un coup, ce mercredi, plus un seul dollar n’a été demandé à la Banque nationale suisse (BNS). Des opérations mystérieuses, que l’institution ne commentait pas, et qui ont alimenté toutes sortes de spéculations.
Credit Suisse aurait-elle des problèmes de liquidité? Toutes les banques peineraient à obtenir des dollars par leurs propres moyens? Réalisaient-elles davantage d’opérations de couverture? Les marchés financiers étaient-ils plus tendus qu’on ne le croyait?
Introduite en 2007
Non, l’hypothèse qui a finalement paru la plus probable est bien plus terre à terre: les banques avaient trouvé dans cette facilité un moyen facile de gagner de l’argent. Mis en place fin 2007, ce dispositif – un swap entre la BNS et la Réserve fédérale américaine – permet aux banques d’obtenir des dollars. Il a été largement utilisé pendant la crise financière de 2008, puis pendant les soubresauts des marchés au début de la pandémie.
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Mais, depuis la fin septembre, les banques y participaient à nouveau et de façon de plus en plus significative: 3,1 milliards de dollars demandés par neuf banques, puis 6,27 milliards accordés à 15 établissements. Enfin, la semaine dernière, 17 institutions financières recevaient 11,09 milliards. Le mécanisme, appelé dans le jargon «arbitrage», était décrit ainsi par Maxime Botteron, un économiste de Credit Suisse: emprunter des dollars et les échanger contre des francs pour une semaine coûte en tout 0,25% par an. Les banques échangent immédiatement ces dollars contre des francs et les placent à la BNS, probablement à 0,5%, ou éventuellement les prêtent à d’autres banques, ou à la BNS elle-même à travers ses opérations de repos (échange de liquidités contre des titres), détaillait l’expert.
Nouvelles conditions?
Rien à voir donc avec un problème de liquidité ou d’une crise imminente. Les opportunités d’arbitrages ont-elles disparu? D'après Maxime Botteron, les conditions sont toujours remplies. La BNS a-t-elle alors posé des conditions à l’obtention des dollars? Contactée, cette dernière ne commente pas.
Deux raisons pourraient néanmoins l’avoir incitée à contrôler l’usage de ce dispositif ouvert à toutes les banques en Suisse et à l’étranger qui sont raccordées au système de pensions de titres contre francs: l’utilisation de cette facilité paraît ainsi dévoyée. Elle a pour but d’éviter que les marchés financiers se grippent et qu’une crise émerge. Son usage pour améliorer les profits des banques a pu embarrasser la BNS. D’autant plus si c’est elle qui finançait ces petits profits.
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Mais il y a une autre raison qui peut expliquer que la BNS ait décidé de mettre le holà: une forte demande en dollars a aussi un effet de dépréciation du franc. Cela aurait pu arranger la BNS à certaines périodes, mais ce n’est pas le cas en ce moment, une monnaie qui s’affaiblit renforce le risque d’inflation. Sachant que le renchérissement en Suisse est en très grande partie importé, la BNS préfère sans doute éviter cela. Lors des dernières conférences de presse, elle n’a d’ailleurs plus dit que le franc était surévalué.