Changement de tendance structurel pour les banques. Depuis la crise financière de 2008, les actions des grandes banques suisses ont perdu la moitié de leur valeur alors que l’indice SMI des valeurs suisses a plus que doublé. A partir de la fin octobre 2020 et la perspective d’une victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle de novembre, les actions bancaires, y compris helvétiques, se sont envolées. Le mouvement s’est même accéléré dès les premiers signes de victoire démocrate en Géorgie et de majorité du parti présidentiel au Sénat.

Les titres Credit Suisse et Julius Baer sont en hausse de plus de 30% sur douze semaines et celui dUBS de 29%, contre seulement 6% pour l’indice SMI des valeurs suisses. En 2021, après quatre séances, Credit Suisse gagne 9%, UBS 8%, Julius Baer 6%, alors que l’indice SMI stagne. Pourquoi les banques semblent-elles subitement devenir un bon placement?

L’effet Biden

«Le moteur du changement est à chercher dans l’amélioration attendue des marges d’intérêt liée aux conséquences de la victoire démocrate aux Etats-Unis», indique Samy Chaar, chef économiste auprès de Lombard Odier.

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L’élection de Joe Biden et la majorité démocrate obtenue au parlement ont conduit à une hausse des taux d’intérêt à long terme. Le rendement des obligations américaines à dix ans, la référence mondiale des taux sans risque, est passé de 0,7% au début novembre à 1,05% jeudi, alors que les taux d’intérêt à court terme sont négatifs. Les taux longs sont donc nettement supérieurs aux taux courts. Les banques peuvent à nouveau emprunter à court terme et réaliser des gains en octroyant des crédits à long terme. «Ce phénomène de pentification de la courbe des taux d’intérêt, qui résulte de l’attente d’une hausse persistante des dépenses publiques américaines, accroît la marge d’intérêts», déclare Samy Chaar.

Le potentiel supplémentaire de hausse des taux longs est pourtant limité, à son avis. «Les taux à dix ans peuvent difficilement dépasser 1,5% à court terme», confie-t-il. Si la majorité obtenue au Sénat accroît la marge de manœuvre budgétaire de Joe Biden et renforce l’idée d’une hausse des dépenses d’infrastructures, elle ne suffit pas à changer les lois puisque les démocrates n’obtiennent pas une «majorité augmentée». Pour modifier la législation, par exemple fiscale ou bancaire, les démocrates auraient besoin de 60% des sièges, note Samy Chaar.

Des taux encore longtemps bas, selon les banques

La grande majorité des banques (82%) estiment que le niveau des taux d’intérêt en Suisse restera extrêmement bas dans dix ans, selon un sondage réalisé par EY Suisse en novembre auprès de 100 instituts et présenté jeudi en vidéoconférence à la presse. «La perspective d’une situation de taux bas pendant plusieurs années encore exacerbe les problèmes de rendement structurels des banques ainsi que l’érosion des marges», souligne Patrick Schwaller, responsable des audits des services financiers chez EY Suisse.

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Les banques sont donc de moins en moins nombreuses à exclure une répercussion des taux négatifs sur leurs clients privés. Elles sont seulement 11% dans ce cas, contre 21% l’an dernier et 70% il y a cinq ans.

Résilience bancaire

Les résultats pour l’année du covid devraient être assez bons. En effet, 53% des établissements interrogés, y compris les activités suisses des deux grandes banques, émettent un avis positif sur la marche des affaires durant les mois écoulés. Certes, 36% des banques tablent sur une hausse des défaillances de crédit au cours des six à douze prochains mois (année précédente: 7%), mais cette augmentation est le fruit d’un effet de base. «Les pertes étaient en effet quasi inexistantes ces dernières années», note Olaf Toepfer, responsable des marchés bancaires auprès d’EY Suisse. La détérioration est réelle: 59% des banques interrogées, soit à peine 8 points de pourcentage de moins que l’an dernier, entrevoient une évolution positive à court terme. Mais elle est temporaire.

Le retour à la normale est déjà anticipé. Dans le financement de la construction de logements et les activités de crédit aux PME, 52% et respectivement 44% des banques estiment que les correctifs de valeur resteront inchangés à long terme. Cet optimisme s’explique avant tout par la structure des crédits, selon Timo D’Ambrosio, directeur auprès d’EY Suisse. Les trois quarts concernent les hypothèques. Le niveau de nantissement est si élevé (50-60%) qu’il faudrait une chute des prix, improbable selon EY, pour inquiéter les banques. Même la baisse des prix de l’immobilier commercial attendu par la quasi-totalité des banques ne leur fait pas peur. Selon EY, ce segment ne représente qu’environ 10% des hypothèques en Suisse.