Pascal Kiener se répète. Depuis trois ans au moins, le directeur général de la Banque cantonale vaudoise (BCV) explique régulièrement qu’il ne peut pas appliquer des taux négatifs à ses clients déposants. C’est commercialement trop délicat, argumente-t-il.

Pourtant, comme l’ont montré les résultats annuels présentés jeudi à Lausanne, les revenus de la banque souffrent de cet environnement «contre-intuitif». En 2016, ils ont baissé de 6% à 967 millions de francs. Et ce, malgré une légère hausse des volumes d’affaires. En cause, mais pas seulement: les marges d’intérêts, qui ne cessent de baisser. L’an dernier, elles se sont élevées à 1,33%, contre 1,11% en 2012. Autrement dit, les crédits de la BCV sont 15% moins rentables qu’il y a quatre ans.

Des règles personnalisées

«Les taux négatifs appliqués par la BNS provoquent un manque à gagner de 30 à 40 millions de francs par an. C’est pénalisant, mais ce n’est pas existentiel non plus», a relativisé Pascal Kiener, en rappelant que la banque a généré un bénéfice net de 310 millions de francs.

La BCV s’est toutefois résolue à appliquer des taux négatifs à certains clients. Car «chaque franc qui rentre nous coûte de l’argent, puisque l’on paie 0,75% d’intérêts à la BNS». Aucun particulier ni aucune PME ne sont concernés, à l’exception d’une poignée de clients qui font de l’arbitrage – qui ont rejoint la BCV pour échapper aux taux négatifs d’une autre banque.

Sont surtout touchés les grandes entreprises et les clients institutionnels de la BCV, «y compris le canton de Vaud». Il n’y a pas de règle générale, mais une étude de chaque cas particulier – son historique, son volume d’affaires avec la banque, etc.

En tout, ils sont environ 300 à payer des intérêts négatifs sur leurs avoirs déposés. «On ne refuse personne, mais on les taxe. Cela décourage certains clients, mais pas tous. La preuve? Les liquidités, dont une immense partie est déposée auprès de la BNS, atteignent 7,5 milliards, contre 6,9 milliards un an plus tôt. «Nous nous sommes d’abord montrés assez généreux, par rapport à d’autres établissements bancaires. Mais nous avons désormais abaissé le plafond (à partir duquel les avoirs sont taxés, ndlr)», explique Pascal Kiener.

«Il y a surtout la concurrence»

Le directeur général ne s’attend pas à ce que les taux remontent rapidement. Ni en Europe, ni en Suisse. Un retour à la normalité permettrait à la BCV et aux autres banques actives sur le marché suisse de rétablir quelque peu la situation sur ce qui reste leur métier principal. Son discours laisse également supposer qu’une remontée des taux hypothécaires n’est pas à l’agenda de la banque. Ce serait pourtant de retrouver un semblant de marge. «Il n’y a pas que le niveau des taux de référence qui compte. Il y a aussi et surtout la concurrence».

Pour l’heure, toutefois, la situation n’est pas alarmante pour le secteur bancaire en général. Pascal Kiener salue d’ailleurs le fait «qu’aucune banque n’ait décidé d’appliquer des taux négatifs aux particuliers».


Un bénéfice 2016 en recul

Les comptes de la BCV souffrent de la comparaison avec 2015, lorsqu’elle avait vendu sa part dans Swisscanto

La BCV a affiché des résultats en baisse en 2016. Son bénéfice net s’est replié de 8%, à 310 millions de francs par rapport à celui de 2015, toutefois marqué par des éléments extraordinaires.

En 2015, les résultats avaient profité de la cession de la participation de la banque dans Swisscanto. L’établissement vaudois souligne que ce bénéfice 2016 est supérieur à ceux des exercices 2013 et 2014. Côté résultat opérationnel, il est en baisse de 4% à 383 millions. Mais la BCV précise qu’il reste supérieur aux deux années qui ont précédé.

Côté charges, les coûts de personnel sont stables (338 millions de francs), alors que les charges d’exploitation diminuent de 4% à 171 millions. Le groupe veut «éviter l’effet d’accordéon» en engageant puis en licenciant.

Parmi les reculs enregistrés: celui des opérations de commissions (–7% à 308 millions de francs). Une tendance que la banque explique entre autres par la diminution des activités des clients sur les marchés financiers et par la fin de la collaboration avec Postfinance dans le courtage en ligne.

«L’environnement difficile, voire très difficile» n’empêche pas la BCV de proposer un dividende similaire à l’an dernier de 33 francs par action. Soit l’équivalent de 92% de son bénéfice. Le directeur financier Thomas Paulsen n’a pas non plus manqué de rappeler que celui qui aurait eu «l’excellente idée» d’investir dans des actions BCV au début de 2012 aurait aujourd’hui doublé sa mise. (LT)