Politique monétaire
L’institution a gardé ses taux inchangés, à -0,75%, mais intervient sur le marché des changes. Elle exonère davantage les banques des taux négatifs et se prépare à d’autres mesures pour assurer que les crédits aillent jusqu’aux entreprises

Pas de baisse des taux, davantage d’interventions sur le marché des changes, la Banque nationale suisse a gardé le cap jeudi après sa réunion de politique monétaire. «Le coronavirus place la société et l’économie suisses devant des défis hors du commun», ont prévenu les membres du directoire de la BNS, lors d’une inhabituelle conférence téléphonique.
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L’institution, dont le taux d’intérêt est l’un des plus bas du monde à -0,75%, rappelle que «le taux d’intérêt négatif et les interventions de la BNS sont nécessaires pour contrer les pressions à la hausse sur la monnaie». Depuis le début de l’année, la devise helvétique n’a cessé de se renforcer à mesure que les inquiétudes sur la propagation du coronavirus croissaient. Le franc s’échangeait à plus de 1,08 pour un euro début janvier et flirte désormais avec la barre des 1,05. Il a aussi tendance à se renforcer face à d’autres monnaies.
«Pas des manipulateurs»
A en croire les statistiques des dépôts à vue des banques auprès de la banque centrale, la BNS est intervenue à un rythme soutenu (4,5 milliards la semaine dernière). Interrogé sur les risques de se retrouver dans le radar de l’administration américaine, Thomas Jordan a déclaré: «Nous ne sommes pas un manipulateur de monnaies.» Et le président d’admettre que: «Oui, il est possible que nous remplissions tous les critères qu’observe Washington, mais nous agissons parce que le franc est surévalué.» Le but étant d’éviter des dommages graves que pourrait subir l’économie suisse, pas de rendre les exportations bon marché et faire ainsi concurrence à d’autres pays, la BNS pense passer entre les gouttes.
Outre le franc, la BNS garde les yeux rivés sur l’approvisionnement en liquidité du système financier. A ce stade, elle considère que le système est suffisamment irrigué. D’autant que les banques ont d’importants fonds propres. Mais elle prendra des mesures pour les garantir si nécessaire, rappelant la mise à disposition des swaps en dollars avec les autres banques centrales.
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Mesures à suivre
«Le comportement des banques va jouer un rôle déterminant pour l’évolution de la conjoncture en Suisse», assure la BNS, qui leur donne un coup de pouce: le montant exonéré des taux négatifs augmente. Il passe d’un facteur 25 à un facteur 30. Elle étudie aussi la possibilité d’assouplir le volant anticyclique de fonds propres pour leur donner encore plus de marge et s’assurer ainsi que les entreprises reçoivent le crédit bancaire dont elles ont besoin pour survivre alors que l’économie tourne, au mieux, au ralenti.
Jean-Paul Jeckelmann, directeur responsable des investissements de la banque Bonhôte, estime que la BNS «fait le maximum, tout en se gardant sous le coude d’autres mesures possibles. Il ne servait à rien d’intervenir sur les taux parce que ce n’est pas le coût du crédit qui pose problème mais son accessibilité.» Or, en allégeant les banques d’une partie du poids des taux négatifs et en envisageant de faire de même avec les réserves obligatoires pour le crédit hypothécaire, elle leur donne deux ballons d’oxygène. «Comme Thomas Jordan l’a rappelé, le système financier est solide, nous ne sommes pas en 2008», poursuit-il. La Finma a d’ailleurs publié un communiqué jeudi assurant que les banques «et les infrastructures financières fonctionnent très bien sur le plan opérationnel. Les établissements sont aussi bien préparés à faire face à des scénarios de crise aiguë.»
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A ce stade, l’argent est disponible pour que l’économie fonctionne. «Il y a 50 milliards de francs à disposition dans les banques pour octroyer des crédits. Les banques doivent faire des efforts – certaines en ont d’ailleurs annoncé – pour faciliter la situation de certains de leurs clients, en prolongeant les échéances ou en n’exigeant pas les amortissements pour quelques trimestres, par exemple», poursuit Jean-Paul Jeckelmann.