Politique monétaire
Jeudi matin, avant sa conférence de presse semestrielle, l'institution a maintenu le loyer de l'argent à -0,75%. A en croire les experts, la Suisse ne sortira pas des taux négatifs avant... 2019. Elle pourrait aussi tolérer un franc plus fort.

Ce n’est pas parce que la Réserve fédérale américaine (Fed) a remonté son taux d’intérêt d’un quart de point mercredi soir, que la Banque nationale suisse (BNS) allait lui emboîter le pas jeudi matin. D’ailleurs, «la BNS n’est l’esclave de personne», a précisé Thomas Jordan, numéro un de l’institution, en réponse à une question d’un journaliste, lors de sa conférence de presse semestrielle jeudi à Berne.
C’est donc en tant que «banque centrale indépendante» qu’elle a décidé de maintenir son taux d’intérêt inchangé à –0,75%, comme le prédisait l’ensemble des analystes. Elle n’est peut-être pas esclave, mais la décision de la Banque centrale européenne de rallonger son programme de rachat d’actifs au moins jusqu’à fin 2017 a certainement douché les espoirs de hausse des taux dans un avenir proche, estiment les experts d’UBS dans une note.
Leurs homologues de Credit Suisse prévoient qu’elle gardera ce statu quo au moins jusqu’à la fin 2017. Pour UBS, la première hausse pourrait intervenir en 2018. Mais plutôt à la fin qu’au début de l’année. Il faudra attendre 2019 pour que le loyer de l’argent redevienne positif.
Franc stable en 2016
Dans son communiqué, la BNS a ajouté que le franc reste «nettement surévalué» et qu’elle se tient prête à intervenir en cas de nécessité. Seule différence de langage, elle ne mentionne pas l’euro, mais dit vouloir tenir «compte de la situation pour l’ensemble des monnaies».
Un changement de langage que Thomas Jordan a qualifié d’anodin, mais qui a conduit plusieurs analystes à juger qu’elle interviendrait moins en 2017 qu’en 2016. Une année en cours où elle a d’ailleurs été particulièrement active: selon les calculs de la Banque cantonale de Saint-Gall, son bilan est passé de 560 milliards de francs début janvier à 648 milliards fin novembre. «Cette hausse ne s’explique pas seulement par des gains en capitaux et du rendement. La BNS est intervenue davantage en 2016 qu’en 2015», précise Thomas Stucki, le chef des investissements de l’établissement saint-gallois.
Credit Suisse le disait déjà avant la conférence: la BNS devrait réduire ses interventions et pourrait tolérer un franc plus fort. Selon UBS, qui estime que l’économie a récupéré depuis le choc du franc fort, la BNS défendra le niveau de 1,07 franc pour un euro. Certains jugent même qu’elle pourrait accepter un euro qui s’échange contre 1,05 franc, voire 1,03. Pour les experts des deux banques, ce n’est pas un problème: l’économie suisse a pu s’habituer. «Le secteur des exportations a largement franchi le creux de la vague», selon Credit Suisse. «De plus en plus de secteurs ont retrouvé leur compétitivité», affirme son responsable de la recherche économique, Oliver Adler. En outre, l’économie suisse «peut s’adapter à une hausse de 1 à 2% par année de sa monnaie», ajoute Thomas Stucki.
En 2016, le franc est resté «quasiment inchangé en valeur pondérée par le commerce extérieur», a précisé Andréa Maechler, la numéro trois du directoire. Et ce, malgré les pressions, notamment lors du vote du «Brexit». Il est aussi resté stable dans le sillage de la conférence de la BNS, à 1,0734 pour un euro et 1,0306 pour un dollar.
«Grandes incertitudes»
La BNS a également publié ses prévisions de croissance, qu’elle considère comme «modérément positives» pour l’année à venir. Elle table sur une progression du produit intérieur brut (PIB) de 1,5%, comme en 2016, mais prévient que le contexte international fait peser de «grandes incertitudes» sur ce pronostic. Et de citer les inconnues de la politique économique de Donald Trump aux Etats-Unis, les élections à venir dans plusieurs pays européens ou la perspective des négociations du «Brexit». Quant à l’inflation, elle devrait atteindre 0,1% en 2017 et 0,5% en 2018.
Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) a également publié jeudi ses prévisions conjoncturelles. Comme la BNS, elle évalue le taux de croissance 2016 à 1,5%, en grande partie tirée par le commerce extérieur (+4,7%) qui «va fournir une contribution très supérieure à la moyenne historique» grâce à la pharma et à la chimie. Le Seco se montre plus optimiste pour 2017, tablant sur une progression du PIB de 1,7%.
Selon le Kof, le centre de recherche conjoncturel de l’EPFZ, la croissance se limitera à 1,4% cette année et mais se montera à 1,6% l’an prochain.
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Nouveau billet de 20 francs en mai prochain
Cette année, c’était le billet de 50 francs. Il y a six mois, la Banque nationale suisse a introduit les nouvelles coupures, qui ont déjà remplacé les anciennes aux deux tiers, a expliqué Fritz Zurbrügg, vice-président du directoire de l’institution. L’an prochain, ce sera le billet de 20 francs. Les nouvelles coupures seront introduites le 17 mai, une semaine après leur présentation au public. Les billets de 10 francs feront aussi leur apparition à l’automne 2017, mais la date précise n’a pas été annoncée.