La BNS pourrait offrir un cadeau de Noël empoisonné aux propriétaires d’immeubles
Immobilier
Si la Banque nationale décide de baisser ses taux jeudi, les investisseurs immobiliers en seront les premiers bénéficiaires. Comme en janvier dernier. Mais Credit Suisse prévient: le risque de suroffre progresse dangereusement

Il n’y a pas que le marché des changes. Alors que la Banque nationale suisse (BNS) se réunit jeudi pour décider de l’orientation de sa politique monétaire, l’immobilier suisse est aussi dans l’expectative.
La BNS baissera-t-elle ses taux directeurs, déjà négatifs depuis janvier? Optera-t-elle pour un statu quo? Les spécialistes de la question ont beaucoup spéculé ces dernières semaines. Et ils ne sont pas d’accord. Même si depuis jeudi ils pensent un peu mieux savoir à quoi se préparer. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la prolongation de six mois (jusqu’en mars 2017) de son programme de rachat d’obligations d’État et ses taux d’intérêt négatifs pour les banques ont été réduits de dix points de base, à -0,3%.
Le franc est stable
Son président Mario Draghi «met la pression sur la BNS quant à une nouvelle baisse de ses taux directeurs», considère Fredy Hasenmaile, le chef de la recherche immobilière chez Credit Suisse. Car en agissant ainsi, l’institution de Francfort rapproche les taux de la zone euro de ceux de la Suisse, actuellement à -0,75%. Et plus ce différentiel se réduit, plus le franc subit une pression haussière. La BNS devra donc réagir pour le rendre moins attractif. Ce jeudi, prévoit Credit Suisse dans son «Moniteur immobilier», publié lundi, ses taux seront abaissés d’un quart de point, à -1%.
Cette prévision n’est pas partagée par tous. UBS, par exemple, est d’avis que la BNS va opter pour un statu quo, tant que le franc ne s’envole pas face à l’euro. Ce n’est d’ailleurs pas le cas: lundi, la monnaie unique était au même niveau que mercredi dernier, à environ 1,08 franc.
Sans effet sur les hypothèques
Mais si la BNS baisse ses taux, à quoi doit s’attendre le marché immobilier? Sur le front des hypothèques, ce sera un coup pour rien, prévoit Credit Suisse. D’un côté, des taux plus négatifs feront encore augmenter les frais de couverture des banques sur le marché des capitaux. Mais de l’autre, puisque les taux à long terme ont baissé, ces dernières semaines, ils diminuent le coût de refinancements des prêteurs.
Pour les investisseurs immobiliers en revanche, c’est une autre histoire: une baisse des taux serait «un cadeau de Noël avant l’heure», selon Fredy Hasenmaile. En janvier 2015, l’introduction d’intérêts négatifs a augmenté le différentiel de rentabilité entre les placements immobiliers et les placements dans des emprunts d’Etat. Ils ont ainsi soutenu les prix des immeubles de rendement. «Des intérêts négatifs encore plus bas iraient dans la même direction», prédit l’économiste
Gare à la suroffre
Il y a toutefois un risque que ce cadeau finisse par être empoisonné. Car la hausse des prix est surtout mathématique. Elle n’est pas alimentée par une progression des revenus locatifs, ni par une croissance de la demande. D’ailleurs, le marché est déjà très liquide et la demande ne suit plus la cadence de la hausse de l’offre. «Les surfaces vacantes n’augmentent pas seulement dans les régions périphériques», prévient la banque, laissant entendre que les prix des immeubles, y compris dans les centres, pourraient finir par baisser sous le poids d’une offre trop abondante.
Le Père Noël? Il surveille de près le marché des immeubles. En juin dernier, l’ex-numéro deux de la BNS, Jean-Pierre Danthine, se méfiait déjà de ce phénomène: «La demande supplémentaire provenant d’investisseurs en quête de rendements pourrait conduire à une nouvelle augmentation des prix […]. Il convient d’observer plus particulièrement le segment des objets de rendement.»