Alors que l’Office fédéral des assurances sociales doit faire le point aujourd’hui sur les situations de sous-couverture (voir SOS jargon) touchant nombre de caisses de pension, beaucoup ont déjà décidé des mesures d’assainissement. Les principales sont la suppression pour un an de la rémunération des avoirs des salariés, des cotisations d’assainissement et le gel des retraits pour amortir une hypothèque, plus rarement pour acheter un logement.
Concrètement: si leur caisse est en sous-couverture, ce qui représente ente 50% et 75% des institutions autonomes ou collectives d’après les premiers chiffres disponibles, les salariés peuvent devoir faire des efforts financiers. Plus la sous-couverture est importante, plus ceux-ci sont probables… et importants. Vingt à 25% des caisses ont un taux de couverture inférieur à 90%. «On voit aussi des petits découverts être comblés par l’employeur», relativise Jean-Marc Wanner, expert en prévoyance chez Hewitt à Nyon.
A l’inverse, les retraités ne sont pas concernés (lire ci-dessous). De même que les clients des solutions de prévoyance des assureurs, auxquelles les sous-couvertures sont interdites, et les salariés affiliés à une institution dont la couverture dépasse 100%.
Evidemment, pour les autres, la pilule est difficile à avaler. Mais l’incertitude quant à l’évolution future de la valeur de nombreux actifs financiers rend aléatoire de compter sur un rebond. Et les caisses en sous-couverture n’ont plus de réserves pour absorber de nouvelles baisses de ce côté.
Sans contrevenir à la loi
Dans les caisses à primauté de cotisations, la suppression de la rémunération est clairement la première mesure d’assainissement choisie, explique Olivier Kern, expert en prévoyance chez Pittet Associés à Genève. «Une grande majorité assure plus que le minimum obligatoire et peut donc créditer 0% sur l’entier des avoirs des salariés, sans contrevenir à la loi.»
Le capital accumulé est en général nettement supérieur à ce qu’il serait si les salariés étaient assurés au minimum légal, même crédité du taux minimal, fixé pour 2008 à 2,75% ou pour 2009 à 2%. Ce minimum couvre actuellement les salaires annuels jusqu’à 82 080 francs. Par contre, les caisses qui n’assurent que ce plancher ou qui en sont proches n’ont pas cette possibilité.
Aussi désagréable que soit cette mesure, ses effets ne sont pas aussi dramatiques lorsqu’ils sont considérés sur 40 ans de vie active, ajoute André Reuse, expert en prévoyance chez LPP Gestion à Genève. Sur un capital de 600 000 francs, 3 ans de rémunération à 0%, survenant vers l’âge de 35 à 36 ans, représentent 5000 francs lors du départ à la retraite ou 28 francs de rente en moins par mois.
Lorsqu’une telle période survient près de la retraite, ses effets sont plus importants, «mais c’est aussi à mettre en rapport avec les bonnes années, qui ont pu être parfois rémunérées à 8%, 9% ou 10%», ajoute André Reuse.
Délai de trois à cinq ans
Selon la loi, les caisses en sous-couverture, en dessous de 100% pour les institutions privées ou d’un objectif préétabli pour leurs homologues publiques, doivent prendre des mesures pour corriger cette situation. «Elles ont en principe trois à cinq ans pour revenir à l’équilibre», indique Dominique Favre, directeur de l’Autorité de surveillance des fondations du canton de Vaud.
Vu la dégradation de la santé des marchés financiers et de l’économie après la faillite en septembre de la banque américaine Lehman Brothers, des cantons ont demandé aux caisses de les informer rapidement sur leur situation. Ils attendent maintenant les rapports sur les mesures prises.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faut agir dans l’urgence, souligne Olivier Kern. «L’amélioration se fera sur la durée.» «Il faut être attentif, mais la situation n’est pas catastrophique», poursuit André Reuse. Les caisses de pension sont déjà passées par plusieurs situations similaires, la dernière en date étant l’éclatement de la bulle Internet. «En moyenne, la situation est comparable à ce qu’elle était il y a six ans, observe-t-il. A la différence toutefois que les sous-couvertures prononcées, en dessous de 90%, sont plus fréquentes.»
Cotisations d’assainissement
Selon Jean-Marc Wanner, il n’y a pas de différence notable entre fondations autonomes, propres à une seule entreprise, et collectives, dont plusieurs sociétés sont clientes. Par exemple, parmi ces dernières, Profond a vu sa couverture tomber à 85%. Cependant, l’introduction de cotisations d’assainissement payées par les salariés et l’employeur, la deuxième mesure la plus souvent utilisée, n’est pas forcément efficace. Dans une caisse comptant une part importante de rentiers, leur montant est faible par rapport à la fortune totale, observe Olivier Kern.
Quant à la troisième mesure la plus fréquente, le gel des retraits pour amortir une hypothèque, elle vise à garantir la solidarité entre salariés, selon Jean-Marc Wanner. Si l’avoir en caisse de pension n’est pas rémunéré, il est avantageux de le retirer pour rembourser une hypothèque et économiser les intérêts, puis de reverser le montant une fois la caisse assainie. Mais, entre-temps, celle-ci a pu devoir vendre des actifs à perte.
D’autres mesures sont possibles. Cela peut par exemple être de ramener le taux de conversion, qui sert au calcul de la rente annuelle qui sera servie sur le capital retraite, au minimum obligatoire.