A Emmen, dans le canton de Lucerne, les joutes ne sont pas tout à fait terminées. Pourtant, vendredi, alors que le conseil d’administration de Schmolz + Bickenbach (S+B) avait présenté sa démission, laissant un seul administrateur aux commandes du sidérurgiste, la lutte interactionnariale, qui ronge depuis des mois une entreprise déjà frappée par la crise, semblait approcher de son épilogue.
Mais lundi, le conseil d’administration, que l’on pensait résigné, a relancé les débats. S’appuyant sur une analyse qu’il a commandée à la banque J. Safra Sarasin, celui-ci conseille aux actionnaires de rejeter l’offre publique d’achat de Venetos. Le prix de 2,85 francs – 3,24 francs à la clôture hier (+6,2%) –, proposé le 12 juillet dernier par la holding affiliée à Renova, la société de participations en main de l’oligarque russe Viktor Vekselberg, est jugé trop bas. Il ne reflète pas la valeur réelle de l’entreprise ni son potentiel, selon un communiqué de 13 pages diffusé hier. «Il correspond au prix minimum autorisé par la loi boursière», ajoute le groupe avant de détailler la légalisation en la matière.
Dans son acte de résistance, S+B peut compter sur le soutien de la société Gebuka, détentrice de 6% des actions, qui s’est récemment désolidarisée de la direction lucernoise, mais qui s’oppose néanmoins aussi à l’offre de Renova.
Pourquoi ce dernier fait d’armes, de la part d’un conseil qui avait capitulé vendredi, dans la foulée de l’annonce de Renova de vouloir briguer cinq sièges à la table des décideurs? «Aussi longtemps qu’ils sont en place, ils sont obligés de donner leur position aux actionnaires», explique l’analyste de Vontobel, Patrick Rafaisz.
Selon S + B, le vrai prix des actions se situe entre 3,95 et 5,70 francs. L’aciériste s’aventure aussi à deviner qu’une offre si basse prouve que Venetos, qui détient désormais plus d’un quart du capital, ne veut pas d’un contrôle total. En réalité, en s’associant avec les actionnaires allemands (Schmolz + Bickenbach Gmbh), qui représentent la famille fondatrice d’un groupe qui compte aujourd’hui une dizaine de milliers de collaborateurs, les assaillants pèsent au total pour 40,46% des actions. Soit nettement plus que les 33,33% qui les obligent à soumettre une offre publique d’achat (OPA).
Dans son prospectus d’offre, Renova prévient que le prix offert sera ajusté (abaissé) si des effets de dilution venaient à affecter le cours de l’action. Une référence directe au projet d’augmentation de capital de 330 millions – avec droit de souscription préférentiel aux actionnaires existants – qui a été acceptée par l’assemblée générale, le 28 juin dernier. La démarche aurait dû débuter dans la foulée. Mais elle a été bloquée par le registre du commerce. En cause, la montée simultanée dans le capital de Renova…
Cela n’a pas été énoncé clairement, mais selon l’analyste de Vontobel, la famille fondatrice et le milliardaire russe ambitionnent une augmentation de capital plus importante. Ils devraient par ailleurs parvenir à placer leurs pions au sein du conseil à leur guise.
L’issue de la bataille est de moins en moins incertaine, juge finalement Patrick Rafaisz. La grande inconnue concerne surtout la stratégie des futurs nouveaux propriétaires des lieux.
Le prix de Renova est si bas que la direction devine que les assaillants ne veulent pas d’un contrôle total