Cinq questions pour juger la valeur du conseil
Gestion
Depuis la crise financière, les clients nourrissent, à l’égard de leurs conseillers, un sentiment de méfiance diffus, mais largement partagé. Comment lever cette impression? Voici cinq questions à poser pour évaluer objectivement la qualité du conseil
Crise financière ou de la dette européenne, mauvaises expériences avec des produits de placement difficiles à comprendre: les investisseurs sont déroutés. Alors que, jusqu’en 2007, ils gagnaient facilement de l’argent avec des placements sur le marché des capitaux, ce n’est plus le cas. Conséquence de ce scepticisme: bien des clients conservent d’importantes liquidités en espèces ou misent sur des valeurs réelles comme l’or ou l’immobilier. A titre d’alternative, ils optent pour des placements non conventionnels tels que les voitures de collection, l’art ou le vin. Mais les espèces ne protègent pas contre l’inflation et les placements alternatifs peuvent se révéler volatils et risqués. Ils ne conviennent donc pas pour la conservation et l’accroissement du patrimoine à long terme, qui, au contraire, requièrent de la diversification et ne sauraient reposer sur des espoirs spéculatifs.
Les investisseurs parviendront-ils à surmonter leur méfiance pour revenir sur les marchés? Cela dépendra en grande partie des banques elles-mêmes. Elles doivent prouver qu’elles ont tiré les enseignements des erreurs du passé. Tous les établissements prétendent placer le client au centre de leurs préoccupations et le conseiller de façon fiable. Mais seul le client est à même de juger si c’est effectivement le cas. Il peut le contrôler sur la base des critères suivants.
1. Ma banque comprend-elle vraiment ma situation et mes besoins?
Toute relation clientèle devrait débuter par une analyse minutieuse des besoins et objectifs du client. Malgré la technologie et les théories de portefeuille élaborées, la gestion de fortune reste une question de rapports humains, où l’écoute demeure la vertu cardinale. Le sentiment réconfortant d’être compris est essentiel. Mais il vaut aussi la peine de prêter l’oreille à son intuition.
Les objectifs de placement, le rendement escompté et la capacité d’en accepter le risque sont fondamentaux. Le client et son conseiller doivent bien comprendre tous ces aspects. C’est banal: un rendement accru s’accompagne d’un risque plus élevé. Un test de résistance scénarisé permet de montrer la perte qu’un client aurait essuyée avec un certain portefeuille durant les turbulences de la crise financière. Aucun entretien de conseil ne saurait faire l’impasse sur ce point. S’assurer d’une compréhension réciproque irréprochable devrait se renouveler à intervalles réguliers. C’est la seule façon d’être sûr que client et conseiller parlent bien de la même chose.
2. Le conseiller réoriente-t-il mon portefeuille selon mes objectifs?
Au départ, c’est le besoin individuel qui prime, et non pas le produit. Un bon conseiller montre de quelle manière la situation personnelle et les objectifs du client se reflètent dans la composition du portefeuille. Il traduit ainsi un objectif de placement – souvent un peu flou – en une attente de rendement concrète et en un risque adapté. Ensuite, il compare ces deux éléments avec les proportions d’actifs et de monnaies dans le portefeuille, afin de déterminer si ce dernier n’est pas trop risqué ou, au contraire, trop fortement dénué de risque et de rendement. De plus, le conseiller doit proposer, à intervalles réguliers, les adaptations nécessaires. Le client ne disposera d’un portefeuille structurellement bien orienté que si ces démarches interviennent régulièrement.
3. Ma banque dispose-t-elle d’un processus de placement structuré?
Le savoir-faire, la proximité du marché et la rapidité sont décisifs pour fournir des indications pertinentes face à des marchés difficiles. A quelle fréquence se réunit le comité de placement de ma banque? Combien de temps s’écoule entre le jour de l’analyse et le moment où mon conseiller est informé de la nouvelle appréciation de la situation? Suis-je informé sans parti pris de la «vision maison» de ma banque ou se borne-t-elle à me proposer des produits?
Ces questions sont cruciales lorsqu’il faut couvrir les différentes catégories d’actifs avec des placements particuliers. Détenir une bonne proportion d’obligations est une chose. Mais si celle-ci, dit de manière un peu provocante, est constituée d’emprunts grecs, la différence est énorme. Il faut également veiller au risque de change: celui qui, par exemple, a investi dans le DAX a réalisé, ces trois dernières années, une performance en euros de près de 30%, mais quasi nulle en francs suisses (cf. le graphique).
4. L’«état de santé» de mon portefeuille est-il régulièrement contrôlé?
La volatilité des marchés et les fluctuations monétaires peuvent modifier rapidement les pondérations au sein d’un portefeuille. Des risques surgissent soudain là où, auparavant, on ne les attendait pratiquement pas. La crise financière a poussé de nombreux investisseurs à se réfugier dans des emprunts d’Etat dont beaucoup sont aujourd’hui risqués. En clair: sans remaniements, le profil de risque d’un portefeuille peut, de lui-même, sortir du cadre visé.
De tels déséquilibres doivent être décelés à temps et discutés avec le client. Cela peut prendre plusieurs formes. Il y a la méthode descendante («top down») et la méthode ascendante («bottom up»). «Top down» signifie que, par exemple, les placements de l’ensemble des clients suisses – près de 130 milliards de francs chez UBS – sont analysés en bloc. Tous les investissements du client sont comparés à l’opinion du Chief Investment Office. De la sorte, les positions problématiques, telles que les emprunts d’Etats lourdement endettés ou les actions assorties d’une recommandation de vente, sont rapidement identifiées. Le conseiller devrait alors en parler ouvertement avec son client.
«Bottom up» signifie que chaque portefeuille est soumis à une analyse individuelle, régulière et systématisée. Ce faisant, le cumul des risques au sein du dépôt ou les titres non surveillés sont immédiatement identifiés. Dans ce cadre, les propositions de solutions devraient toujours prendre en considération l’objectif de placement et le profil du client, et non servir les objectifs de vente de la banque.
5. La performance de placement est-elle abordée?
Le rendement durable des placements exige la transparence la plus totale quant à la performance réalisée. La vue d’ensemble du rendement du dépôt d’un client est un instrument de pilotage permettant au conseiller d’identifier un portefeuille mal orienté. Pour ce faire, le conseiller à la clientèle devrait recevoir régulièrement, chaque trimestre par exemple, un relevé du rendement du portefeuille de chacun de ses clients. But: pouvoir parler à son client, ouvertement et dans les plus brefs délais, d’une mauvaise performance inattendue et lui proposer des solutions pour y remédier.
Au final, il faut revenir aux «sources» de la gestion de fortune. Le client doit bénéficier d’un conseil personnalisé et ciblé, et non axé sur la vente. Tout client devrait poser ces cinq questions à son conseiller. Si les réponses sont satisfaisantes, il reprendra confiance dans sa banque, dans son conseiller et dans les marchés.
* Responsable du Wealth Management Suisse chez UBS
Si les réponses sont satisfaisantes, il reprendra confiance dans sa banque et dans son conseiller