«La balance des risques penchant plutôt du côté de...», «le comité a décidé de...» Ce rituel linguistique de la Banque centrale américaine devrait encore être utilisé cette semaine pour juger de la direction de l'économie. C'est vrai que la balance a un avantage: elle n'a que deux possibilités de déséquilibres. Ce sera donc «ou bien... ou bien», comme disent nos voisins. A gauche, ralentissement de la croissance; à droite, pressions inflationnistes. Mais l'ennui, avec la balance, c'est aussi sa limite binaire: pas de place pour une troisième voie qui verrait les deux côtés de la balance descendre ensemble! Un rapide sondage sur le Web le confirme: dans la semaine écoulée, le mot inflation a été cité 19400 fois, le mot récession 1230 fois, et le mot stagflation seulement 144 fois. Le public a choisi ses poids: les risques sont inflationnistes.

Or le taux d'inflation progresse, certes, mais il ne constitue que très rarement un indicateur avancé de sa propre tendance. En outre, les indicateurs avancés annoncent un affaissement important et durable de la conjoncture. La situation actuelle est donc malheureusement de type plutôt stagflationniste, le «stag» restant à venir.

Contrairement donc à ce que pense le Web, les risques se situent dans la politique monétaire. Un resserrement désormais trop fort du crédit inverserait la dynamique de la croissance. Car il faut se rappeler que la croissance américaine, chinoise et des pays émergents, a reposé sur un consommateur américain stimulé, non pas comme d'habitude par une augmentation de ses revenus du travail, mais cette fois par un effet de richesse immobilière et par un endettement exagéré. Une disparition de cet effet richesse serait néfaste pour la croissance mondiale, entraînant également des dévaluations de devises dans les pays exportateurs asiatiques ou sud-américains, contraints de renouer avec leurs traditions pour récupérer des parts de marchés. La Fed est avertie, mais on peut craindre, comme en 2000 avec la bulle Internet, qu'un renversement de sa politique monétaire n'arrêtera pas rapidement le dégonflement de sa dernière création bullistique, cette fois-ci immobilière. A moins que quelqu'un ne souffle à l'oreille des riches et saines entreprises qu'il serait bien de dépenser un peu de leurs marges en hausses salariales afin de relancer les consommateurs... Mais a-t-on déjà vu une telle solidarité macroéconomique? Salaires - bénéfices, «ou bien... ou bien», ou ni l'un ni l'autre?