La récente étude de l’institut de recherche économique BAK Economics, mandatée par l’Association suisse des banquiers et l’Association suisse des assurances, démontre que le secteur financier helvétique demeure un partenaire essentiel de l’économie suisse. Il n’y a en effet que de rares pays où le secteur financier fournit une part de valeur ajoutée plus importante qu’en Suisse.

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Pour ce qui est plus particulièrement des banques, elles font preuve, en dépit d’une période marquée par de nombreuses incertitudes et par d’importants risques, d’une capacité de résilience et d’un dynamisme incontestables.

Les banques doivent adapter leur modèle

En ce début d’année 2020, en dépit de ce constat globalement positif, il n’y a pas lieu de fermer les yeux sur les défis auxquels est confrontée notre place financière. Le premier d’entre eux a trait aux incertitudes quant à l’évolution de l’économie mondiale, sur laquelle les acteurs helvétiques n’ont certes que peu de prise: poursuite et même renforcement du marasme actuel ou risque de récession, ou encore choc boursier, voire nouvelle crise financière mondiale.

Le deuxième défi concerne, lui, directement les acteurs bancaires et financiers suisses, qui doivent poursuivre l’adaptation de leur modèle d’affaires pour faire face aux mutations technologiques et environnementales profondes auxquelles notre monde est aujourd’hui confronté: développement de la numérisation et de l’intelligence artificielle et impact majeur des activités humaines sur le climat. Bien que la tâche soit ici complexe, on peut être confiant quant à la capacité d’innovation et d’adaptation des acteurs de notre place financière: pour preuve, le dynamisme que démontrent notamment les fintechs et les initiatives qui sont en passe de faire de la Suisse un des leaders mondiaux dans le domaine de la finance durable.

Changement des normes fiscales

Le troisième défi a trait, quant à lui, à l’action des autorités politiques suisses qui déterminent les conditions-cadres dans lesquelles peuvent se développer les activités financières dans ce pays. C’est sans doute sur ce point que les enjeux s’avèrent les plus cruciaux pour l’avenir de notre place financière.

Pour ce qui est tout d’abord de l’action internationale de ces autorités, le premier enjeu concerne l’évolution des normes fiscales mondiales dans le cadre de l’OCDE. Nos représentants dans cette organisation internationale, ainsi qu’au sein du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales qui lui est rattaché, auront en effet à s’opposer résolument aux probables remises en question de certaines règles relatives à l’échange automatique d’informations, à commencer par le principe de spécialité qui interdit l’utilisation à des fins autres que fiscales des informations transmises. Ils devront également faire barrage aux tentatives d’instrumentalisation politique par certains Etats de ce forum mondial. Ils auront en outre à démontrer une capacité d’anticipation et une grande fermeté dans les discussions visant à mieux répartir la base imposable des revenus tirés de l’économie digitale. En effet, si l’on adopte des règles d’assujettissement des entreprises multinationales importantes en faveur de l’Etat dans lequel se trouvent les consommateurs ou utilisateurs, la Suisse, petit pays siège de nombreuses multinationales, risque de perdre d’importantes recettes fiscales.

Par ailleurs, nos autorités devront s’engager résolument pour obtenir un meilleur accès des acteurs financiers suisses aux marchés étrangers des services financiers, tout particulièrement celui de l’UE, qui est d’une grande importance pour notre place financière. A cet égard, l’adoption par la Suisse de l’accord-cadre négocié avec l’UE est incontournable, bien que l’on puisse douter qu’elle conduise l’UE à renoncer à son attitude protectionniste. Cet accord-cadre est toutefois une condition indispensable pour que s’engagent un jour de véritables négociations sur cet accès au marché européen des services financiers. En outre, un refus par la Suisse de cet accord-cadre empêcherait la conclusion de tout nouvel accord bilatéral avec l’UE et conduirait à une absence pénalisante de mise à jour des accords existants. Il aurait également pour probable conséquence des mesures de rétorsion, notamment quant à la participation de la Suisse au programme de recherche européen.

Plusieurs réformes à introduire 

Pour ce qui est ensuite des conditions-cadres qui sont de la compétence des seules autorités suisses, il est urgent d’introduire plusieurs réformes, afin de corriger certains désavantages concurrentiels qui pénalisent notre place financière. Ainsi, il y a lieu de supprimer les droits de timbre qui handicapent l’émission et le commerce de produits financiers en Suisse. Cela est tout particulièrement important si l’on ne veut pas faire obstacle au développement de la finance durable, atout stratégique de premier plan pour la place financière. Dans le même sens, une réforme de l’impôt anticipé s’impose.

Ce n’est qu’à ces conditions que la place financière helvétique pourra continuer à apporter sa substantielle contribution à l’économie du pays.