Historiquement, les activités de gestion privée n’ont jamais été rémunérées par les prestations de conseil en placement, mais uniquement par des droits et des commissions non liées directement à ces prestations. Un tel modèle d’indemnisation n’est pas durable.

Les revenus des activités dédiées à la clientèle privée sont en effet désormais soumis à de fortes contraintes conjoncturelles et structurelles. Depuis quelques années, une pression constante s’exerce sur les revenus issus d’une grande partie des commissions avec lesquelles la banque privée couvrait jusqu’à présent les coûts du conseil à la clientèle. Le niveau historiquement bas des taux n’a fait qu’accentuer le problème. Or, c’est précisément pendant ces périodes difficiles que les besoins en matière de conseils sont élevés et justifient une charge de travail spécifique pour laquelle les banques ne sont actuellement guère rémunérées.

La branche a commencé à réfléchir à de nouveaux modèles de tarification plus pérennes. L’argument est le suivant: la gestion privée poursuit une approche de conseil globale. Elle ne peut avoir pour objectif de couvrir les coûts du conseil par des commissions tierces. In fine, c’est bel et bien le conseil et son importance qui devront être rémunérés à une juste valeur.

Le principe n’a rien de nouveau: dans le cadre d’un mandat de gestion de fortune, le client paie pour le conseil, les connaissances spécialisées et la gestion active de son portefeuille. Cette pratique n’est en revanche pas, ou rarement, appliquée pour des conseils donnés à des clients sans mandat. Pour pouvoir modifier et justifier un nouveau modèle de tarification, les banques devront être capables de démontrer la valeur ajoutée de leur conseil.

Le conseil en placement est, en effet, la marque de fabrique et l’atout distinctif d’un établissement actif dans la gestion privée. C’est la valeur cardinale qui lie le client à sa banque.

L’expertise et la gamme complète de produits de placement que les banques mettent à la disposition de leurs clients pour couvrir l’ensemble de leurs besoins financiers constituent l’essentiel de la valeur ajoutée. Cette dernière se traduit concrètement par une analyse régulière du portefeuille, des recommandations périodiques sur l’allocation des actifs, une recherche exhaustive sur différentes catégories de placement, une mise à disposition de spécialistes internes, un accès à l’ensemble des grands marchés financiers du monde et une mise à disposition d’une large gamme de produits.

Le client mesure cette valeur ajoutée en termes de surveillance de ses avoirs et de discussions régulières qu’il entretient avec la banque et ses divers spécialistes. Quant à la banque, elle quantifie les coûts engendrés par un conseil exhaustif et compétent et les frais générés par le développement de l’infrastructure requise et par la formation nécessaire, requise par la complexité croissante de l’activité et par la multiplication des réglementations.

Pour répercuter ces coûts sur le client, différents modèles sont envisageables. A l’image de l’avocat, les honoraires pourraient être facturés en fonction du travail réalisé. Le client ne s’acquitterait que de la prestation dont il aurait effectivement bénéficié. Un tel modèle serait surtout intéressant pour les clients qui n’auraient qu’un besoin ponctuel de conseil, lors d’un départ à la retraite ou d’une succession par exemple. Par contre, une telle formule ne répondrait pas vraiment à ceux qui désireraient un suivi continu et régulier.

Pour éviter cet écueil, la branche s’oriente vers un modèle de tarification où différentes prestations seraient regroupées en bouquets, proposés à des prix différenciés selon le comportement de l’investisseur et sa fortune de placement. Le conseil serait assorti d’un engagement contraignant de la part de la banque et les paquets de prestations contiendraient, par exemple, la surveillance périodique du portefeuille du client et l’administration de ses titres. Un nombre d’entretiens par année et un accès à la recherche et aux spécialistes de l’établissement en raison d’une planification financière complète ou d’un conseil fiscal ou successoral pourraient être inclus ou faire l’objet de prestations supplémentaires. Quant aux frais de transactions boursières, ils pourraient être réduits selon la solution retenue.

Un tel modèle de tarification serait intéressant aussi bien pour le client que pour la banque. Le client choisirait à la carte les services qu’il désire et dont il s’acquitte. La banque réduirait sa dépendance aux revenus volatils des commissions et proposerait une tarification liée à l’orientation à long terme du conseil.

Cette nouvelle approche ne s’est toutefois pas encore imposée car, pour de nombreux clients, la gratuité du conseil reste une évidence. Dans un proche avenir pourtant, les paquets de prestations assortis d’une intensité de conseil et d’une tarification différenciées seront appréciés par le client et par la banque.

* Responsable région Suisse romande, Credit Suisse

«Différentes prestations seraient regroupées en bouquets, proposés à des prix différenciés»