Justice
La banque a plaidé coupable aux Etats-Unis, elle a également réglé une procédure en Grande-Bretagne, tandis qu'en Suisse, la Finma a trouvé des manquements. Elle l'obligera, à l'avenir, à des conditions avant de prêter à des pays «financièrement faibles».

L’affaire dite des «tuna bonds» du Mozambique semble avoir trouvé au moins une issue judiciaire. Ce mardi, Credit Suisse a accepté de plaider coupable en échange d’un accord de non-poursuite avec les autorités américaines. La banque payera environ 275 millions de dollars pour régler cette affaire datant de 2013-2014, a-t-elle dévoilé dans un communiqué publié mardi soir.
En parallèle, Credit Suisse a également réglé une procédure avec les autorités de surveillance britanniques. Elle consent dans ce cas à payer 200 millions de dollars et d’annuler une dette du même montant que lui doit le Mozambique. Enfin, la Finma a rendu en même temps le résultat de son enquête dans cette affaire.
Pour le régulateur suisse, Credit Suisse a «gravement contrevenu aux exigences posées en matière d’organisation ainsi qu’à l’obligation de communiquer posée par la législation de lutte contre le blanchiment d’argent». Elle a conclu que «la gestion des risques du groupe dans le contexte des affaires de crédit avec le Mozambique présentait de graves lacunes. Surtout, le régulateur oblige désormais la banque à «conditions l’ouverture de nouvelles affaires de crédit avec des pays financièrement faibles».
Plusieurs personnes inculpées
L’affaire dite des «tuna bonds» se réfère à des prêts consentis par Credit Suisse devant financer le développement de la pêche au thon au Mozambique, notamment. Ces crédits, octroyés en secret au gouvernement du Mozambique, ont aussi en grande partie servi à l’achat d’équipements de surveillance pour la défense côtière. D’un montant de deux milliards de dollars, les prêts ont été structurés par Credit Suisse, entre autres (la banque russe VTB était aussi impliquée), mais les fonds venaient d’autres investisseurs, dont des organisations internationales.
Trois banquiers concernés avaient été inculpés aux Etats-Unis en 2019, en même temps que deux intermédiaires et trois fonctionnaires du Mozambique. Les accusations? Corruption, blanchiment et escroquerie envers des investisseurs américains qui avaient participé au prêt. Les trois employés de Credit Suisse ont déjà plaidé coupable. Selon l’acte d’accusation, 200 millions de dollars sur les 2 milliards de prêts ont été engloutis par les personnes inculpées. Mais selon d’autres estimations, les montants disparus seraient encore plus importants, notamment parce que certains équipements auraient été surfacturés. Le Mozambique a fait défaut en 2018, exacerbant encore la crise.
Autres procédures
C’est le témoignage des trois banquiers, qui ont voulu démontrer que Credit Suisse était au courant de leurs activités, qui a conduit les autorités américaines à se pencher également sur le rôle de la banque elle-même.
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Mais l’affaire est loin d’être bouclée. Plusieurs procédures sont en cours, sur d’autres continents. A Londres, en particulier, la Haute Cour de Justice examinera en septembre 2023 seulement le rôle de Credit Suisse dans cette affaire. En revanche, l’autorité britannique des marchés a, elle, abandonné son enquête. Reste une autre procédure en Suisse, où l’ONG Public Eye a déposé une plainte auprès du Ministère public de la Confédération en avril 2020. La banque a toujours estimé que les employés concernés avaient contourné les règles de compliance en place.
Avec cet accord, Credit Suisse règle néanmoins un pan d’une parmi les nombreuses affaires qui l’occupent depuis plusieurs mois ou années. Début 2021, elle a notamment été prise dans la faillite de la société Greensill pour qui elle vendait des fonds gérant quelque 10 milliards de dollars. Quelques semaines plus tard, elle a dû annoncer des pertes de plusieurs milliards dans une autre débâcle, celle de la société Archegos, qui était son client.
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