Encore une tuile. Il ne s’agit cette fois pas de Greensill. Lundi matin, Credit Suisse a envoyé un avertissement à ses investisseurs. Un hedge fund américain a fait défaut la semaine dernière sur des appels de marge effectués par plusieurs banques, dont Credit Suisse. A la suite de quoi ces dernières ont commencé à sortir de ces positions.

«Il est prématuré de quantifier la taille exacte des pertes», prévient la banque suisse. Mais elles pourraient être «hautement significatives et matérielles pour nos résultats du premier trimestre», ajoute le communiqué, de quelques lignes à peine. Ce, malgré les tendances positives dont la banque avait fait part au début du mois. L’action Credit Suisse a perdu 14% à la clôture de la bourse. On en saura plus «en temps voulu».

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Le fonds en question n’est pas nommé, et Credit Suisse ne confirme rien, mais tout porte à croire qu’il s’agit d’Archegos Capital, spécialisé dans l’endettement avec levier, et qui a été forcé de vendre l’équivalent de 20 milliards de dollars (même 30 selon d’autres estimations) de ses positions en actions en fin de semaine. Des ventes massives qui n’ont pas manqué de secouer Wall Street vendredi soir. Le problème aurait commencé entre mardi et mercredi, lorsque la société ViacomCBS – à laquelle le fonds était fortement exposé – a commencé à chuter.

Nomura et d’autres

Credit Suisse n’est pas la seule à avoir lancé un avertissement. Nomura a aussi évoqué d’importantes pertes, qu’elle situe autour de 2 milliards, le cours de l’institution japonaise s’écroulant de 16% à la bourse lundi. Les deux banques fournissaient des services de prime broker (ou courtage principal, c’est-à-dire qu’elles prêtent en cash ou en titres et effectuent les transactions pour le compte du hedge fund) à Archegos Capital.

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Mais pour l’établissement helvétique, c’est la deuxième affaire en quelques semaines. Après la liquidation de plusieurs fonds en lien avec une société britannique en faillite, Greensill, et dont les pertes éventuelles ne sont pas connues, la banque se retrouve avec un nouveau problème, souligne Andreas Venditti, analyste chez Vontobel, dans une note. L’expert estime qu’on entendra parler d’autres banques dans les jours et les semaines à venir. UBS n’a pas fait de commentaire, mais son action, comme beaucoup d’autres titres bancaires, perdait du terrain lundi (-4%). C'était le cas de Deutsche Bank aussi (-3%). Contactée, la Finma dit être au courant du cas de ce hedge fund – elle ne cite pas non plus le nom –, avoir été informée par la banque et être en contact avec elle. Le régulateur ne fait pas davantage de commentaires, notamment à la question de savoir si d’autres banques suisses sont impliquées.

Des pertes par milliards

Dans cette affaire, les pertes de Credit Suisse pourraient atteindre 3 à 4 milliards de dollars selon des personnes citées par le Financial Times. Dans celle de Greensill, toujours selon le quotidien londonien des affaires, elles pourraient se monter à un maximum de 3 milliards de dollars, d’après des sources internes là aussi anonymes. Un chiffre qui correspondrait à l’entier de ses bénéfices l’an dernier, mais que la banque n’a pas confirmé. Elle espérerait néanmoins limiter cette casse à un montant compris entre 1 et 1,5 milliard.

Ces fonds de Credit Suisse – 10 milliards sous gestion – investissaient dans des produits de Greensill fabriqués à partir de prêts de cette dernière. Or, plusieurs des clients de la société britannique ont déjà annoncé qu’ils ne pourraient pas rembourser leurs emprunts, tandis que les assureurs se préparent déjà à ne pas couvrir les pertes, d’où le problème de Credit Suisse. Parmi les 1000 investisseurs de ce fonds, un certain nombre menacent déjà de poursuivre la banque en cas de non-remboursement, utilisant l’argument que les fonds étaient vendus comme très sûrs.