Résultats
Les retraits de fonds des clients ont atteint 110 milliards au dernier trimestre

Rarement les résultats d’une banque suisse n’avaient été attendus aussi impatiemment. Et pourtant, ils ne promettaient rien de réjouissant, après une année décrite comme «effroyable» par son président, Axel Lehmann. Deux chiffres, que Credit Suisse a révélés jeudi matin avant l’ouverture de la bourse, importaient plus que les autres: l’ampleur de la perte nette et celle de l’exode des fonds des clients.
La première s’est élevée à 7,3 milliards de francs. Les analystes tablaient sur une perte de 7,2 milliards. C’est son pire résultat depuis l’année 2008. Au quatrième trimestre, la perte a atteint 1,4 milliard. La banque avait prévenu en novembre qu’elle pourrait se monter jusqu’à 1,5 milliard. Contexte économique et marchés difficiles, sorties de fonds des clients, mise en œuvre de la stratégie, les raisons avancées pour cette contre-performance attendue sont nombreuses. Malgré ces chiffres rouges, Credit Suisse veut proposer un dividende de 0,05 franc par action (10 centimes l’an dernier). Les bonus seront eux aussi divisés par deux et la direction générale n'en recevra aucun, a ajouté Ulrich Körner, directeur de Credit Suisse, lors de la conférence de presse. «Avec une telle perte, je ne peux pas m'attendre à une rémunération variable», a-t-il souligné.
Exode des clients
Quant au départ de clients, Credit Suisse avait donné quelques indications en novembre dernier. La banque disait avoir perdu 10% de ses actifs dans la gestion de fortune, soit environ 63 milliards (88 milliards au total, si on inclut les autres divisions). Puis, un mois plus tard, Axel Lehmann, président de la banque avait affirmé lors d’une conférence que les sorties s’étaient stabilisées, que peu de clients avaient entièrement bouclé leurs comptes et qu’il en voyait revenir.
Sur l’ensemble du trimestre, les sorties de fonds ont toutefois été bien plus élevées que le chiffre donné en novembre avec 110 milliards. De ce chiffre, 93 concernent la gestion de fortune, 12 la gestion d’actifs et 8 la banque suisse. Au total, les avoirs gérés par la banque se montent à 1294 milliards, contre 1614 l’année précédente. «Nous avons pris de larges mesures pour augmenter davantage notre engagement auprès de nos clients et pour regagner des dépôts ainsi que des actifs gérés», assure la banque dans son communiqué.
Lire également: Credit Suisse a perdu 10% de ses actifs dans la gestion de fortune
Ces retraits de fonds pèsent sur les résultats des divisions concernées, à commencer par la gestion de fortune (perte avant impôts de 155 millions au dernier trimestre). De même, les transformations de la banque d’investissement conduisent à des baisses de revenus et donc de profit (-1,3 milliard). Des quatre divisions de la banque, seule l’entité suisse affichait un bénéfice pour les trois derniers mois de l’année (259 millions), la gestion d’actifs perdait, elle, 15 millions.
Perte en 2023
Et 2023 pourrait encore être une année difficile. «À la lumière de l’impact défavorable sur nos revenus de la sortie annoncée précédemment d’activités et d’expositions non centrales, ainsi que, en particulier, des charges de restructuration liées à la transformation de nos coûts, Credit Suisse s’attend également à ce que le groupe enregistre une perte avant impôts substantielle en 2023», prévient la banque, qui dit également être en bonne voie dans sa restructuration. Analyste chez Vontobel, Andreas Venditti, rappelle que Credit Suisse a enregistré des pertes lors de sept des neufs derniers trimestres. Après un nouveau recul en 2023, «2024 pourrait amener un revirement, quoique les bénéfices devraient rester probablement mineurs», prévoit l’expert.
En octobre dernier, la banque avait annoncé une restructuration impliquant une réduction de l’emploi et de sa banque d’investissement. Sous pression suite à une série de scandales, l’établissement a également dû procéder à une hausse de capital et accueillir un nouvel investisseur, Saudi National Bank.
Autre indicateur important publié ce jeudi, le ratio de fonds propres, qui est remonté à 14,1%, contre 12,6% à la fin du troisième trimestre.
Le nouveau CS First Boston prend forme
Autre annonce attendue, celle du rachat de The Klein Group (MK & C), la boutique d’investissement de Michael Klein. Acquise pour 175 millions de dollars, elle constituera une des bases de la banque d’affaires que Credit Suisse veut reconstruire et qui prendra le nom de CS First Boston. Michael Klein deviendra responsable de cette nouvelle entité autonome, de même que de l’activité banking et de la région Amériques. Il fera ainsi partie du comité exécutif de Credit Suisse.
Basé à New York, MK & C emploie 40 personnes. Elle affirme avoir réalisé des transactions atteignant 1500 milliards de dollars depuis sa création en 2010 et avoir été rentable en tout temps. «Opportunité exceptionnelle», selon le patron de Credit Suisse Ulrich Körner, qui considère Michael Klein comme un «banquier exceptionnel et un négociateur éprouvé», la transaction a aussi suscité des critiques. Le banquier était encore administrateur de Credit Suisse jusqu’à l’an dernier.