Credit Suisse n’a pas tardé à passer de la parole aux actes. En septembre, la banque avait indiqué réexaminer son portefeuille d’activités pour la clientèle de gestion de fortune de plusieurs pays, en particulier en Europe de l’Ouest. S’y ajoutaient les rumeurs persistantes depuis l’été à propos de la cession d’une large partie de ses activités outre-Rhin. En novembre, seuls deux acquéreurs étaient encore sur les rangs, à savoir Merck Finck & Co à Munich et la Bethmann Bank à Francfort, filiale d’ABN Amro, selon la Frank­furter Allgemeine Zeitung. Cette dernière a remporté la mise.

Credit Suisse vend ses activités de banque privée enregistrées à partir de l’Allemagne à la filiale du groupe néerlandais. La banque n’entend pas pour autant quitter le pays. Au contraire, elle souligne dans son communiqué que la clientèle allemande restera de «la plus haute importance» pour le groupe. Toutefois, elle se concentrera uniquement sur la clientèle de banque privée ultra-riche («UHNWI» dans le jargon) ou très fortunée («premium HNWI»). En clair, Credit Suisse n’entend plus garder que les clients étrangers disposant d’au moins 1 million d’euros. Les clients allemands très fortunés seront gérés à partir d’autres plateformes, en particulier la Suisse ou le Luxembourg. La transaction propulse la Bethmann Bank au rang de troisième plus grand gérant de fortune outre-Rhin. Avec cette reprise, la société, qui comptera quelque 600 employés, récupère un portefeuille de 9000 clients de gestion de fortune, portant son nombre total de clients à 20 000. Ses actifs sous gestion grimpent de 24 milliards d’euros jusqu’ici à «environ 34 milliards», a indiqué la Bethmann Bank. L’établissement, vieux de plus de 300 ans, a récemment connu une forte expansion avec la reprise en 2011 des activités outre-Rhin de la banque liechtensteinoise LGT.

La cession d’une large partie des activités de Credit Suisse en Allemagne illustre à nouveau la difficulté des banques helvétiques outre-Rhin. Cela non seulement en raison du conflit fiscal entre les deux pays, qui a obligé Credit Suisse à payer une amende de 150 millions d’euros en 2011 au fisc allemand, mais aussi à cause d’un environnement de marché extrêmement concurrentiel. Ou­tre les gérants de fortune, plusieurs banques régionales et caisses d’épargne se disputent le segment des clients moyennement fortunés, les «affluents» dans le jargon.

Selon l’«Elite-Report» publié par le quotidien économique Handelsblatt en novembre, aucun établissement suisse n’a gagné d’argent outre-Rhin dans la gestion de fortune durant ces dernières années. Si l’on ne connaît pas en détail la situation d’UBS et de Credit Suisse, qui ne publient pas séparément les résultats liés à la gestion de fortune, aussi bien Julius Baer, J. Safra Sarasin, la Banque Cantonale de Saint-Gall que la banque Vontobel ont toutes essuyé des pertes sur la période allant de 2009 à 2012. Leurs pertes totalisent 130 millions d’euros depuis 2008. Récemment, seul Julius Baer a continué de renforcer ses activités outre-Rhin en annonçant début octobre l’ouverture d’une nouvelle succursale à Mannheim.

Outre les gérants de fortune, les banques régionales et caisses d’épargne se disputent les clients «affluents»