Credit Suisse paiera 5,3 milliards de dollars d'amende, l'action résiste
Justice
La somme que le numéro deux bancaire devra verser aux Etats-Unis est supérieure au montant escompté en moyenne par les analystes. La fin d'une longue phase d'incertitude a toutefois soulagé les investisseurs vendredi. L'impact négatif sur les fonds propres inquiète

5,28 milliards de dollars, est-ce peu ou beaucoup ? Vendredi, les investisseurs se sont montrés paradoxalement plutôt rassurés au sujet de l'ardoise équivalente à 5,4 milliards de francs dont Credit Suisse devra s’acquitter pour régler les litiges liés aux prêts hypothécaires à risques commercialisés entre 2005 et 2007, avant l'éclatement de la crise dite des «subprimes» aux Etats-Unis.
Le montant comprend une amende de 2,48 milliards de dollars à verser au Département américain de la Justice (DOJ), à quoi s’ajoutent des dédommagements aux clients pouvant atteindre jusqu’à 2,8 milliards répartis sur cinq ans, selon l'accord rendu public vendredi par la banque. Après avoir ouvert en hausse vendredi, l’action Credit Suisse a clôturé en recul de 0,9% à 15,19 francs.
Inférieur aux 5 à 7 milliards redoutés en début de semaine
Le sang-froid des investisseurs s’explique notamment en raison des craintes d'une sanction qui aurait pu être encore plus élevée. Mercredi, l’agence Reuters avait évoqué un montant situé entre 5 et 7 milliards de dollars.
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Malgré tout, la somme à verser dépasse largement la fourchette de 2 à 3 milliards escomptée en moyenne par les analystes. Barclays anticipait de son côté entre 3 à 4 milliards. C'est aussi l'amende la plus élevée jamais payée par une banque suisse à ce jour. Elle dépasse les 2,8 milliards de dollars versés par le numéro deux bancaire en 2014 pour solder son litige fiscal avec Washington.
En comparaison internationale, Credit Suisse se situe en milieu de classement des amendes infligées par la justice américaine en lien avec les prêts «subprimes». Deutsche Bank devra verser en tout 7,2 milliards de dollars pour son rôle joué dans la crise des prêts immobiliers pourris aux Etats-Unis, la moitié moins que les 14 milliards évoqués l’été dernier.
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Perte attendue pour 2016
Suite à l’amende, Credit Suisse comptabilisera une charge avant impôts de l’ordre de 2 milliards de dollars au quatrième trimestre. Partant d’une perte de 91 millions de francs réalisée durant les neuf premiers mois de l’année, l’exercice 2016 se soldera à nouveau par un déficit, comme en 2015.
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Comment sera payée l’amende ? A fin 2015, Credit Suisse disposait de réserves pour litiges juridiques de 1,6 milliard de francs. Anticipant des charges plus élevées, la banque avait rehaussé au troisième trimestre ses provisions de 357 millions de francs, principalement en lien avec ce dossier. Selon Barclays, Credit Suisse dispose de provisions à hauteur de 2,1 milliards de francs pour régler l’ensemble de ses litiges juridiques, dont un demi-milliard se rapportent aux prêts adossés à des actifs hypothécaires («RMBS») dont la valeur a été réduite à néant lors de la crise. Les provisions actuelles ne suffisent de loin pas à couvrir l’ensemble de l’amende et des dédommagements à payer.
Une incertitude en moins
Même si la facture totale est supérieure aux attentes des analystes, ceux-ci semblaient vendredi avant tout rassurés par le fait que le numéro deux bancaire helvétique ait réglé son principal litige encore en suspens. Dans une note, la Banque Cantonale de Zurich juge le montant à payer «supportable». Plus prudente, Vontobel juge certes l’accord comme «positif» mais a maintenu sa recommandation sur le titre à «garder» avec un objectif de cours à 13,20 francs.
L'amende aura aussi un impact négatif sur les fonds propres. Partant d'un ratio de fonds propres dits «durs» (CET1) de 12% à fin septembre, la charge inscrite au quatrième trimestre diminuera ce ratio à hauteur de 0,8%, calculent Morgan Stanley et UBS. Cela le ramènerait aux environs de 11,2%, soit un niveau inférieur à celui affiché à fin 2015 (11,4%) et aux 13% visés par Credit Suisse. Malgré tout, UBS et JP Morgan ont gardé leur recommandation à l'achat sur Credit Suisse, avec des objectifs de cours placés à respectivement 17 et 18 francs sur le titre. Plus sceptique, Natixis estime que cette nouvelle charge conforte son «approche déjà prudente» envers le titre du numéro deux bancaire helvétique quant à sa capacité à «atteindre ses objectifs pour améliorer sa rentabilité et son capital à moyen terme». Elle a maintenu l'objectif de cours à 14 francs.
Et UBS ?
Si la plupart des grandes banques ont soldé leurs litiges liés à la période des «subprimes», ce n’est pas encore le cas pour UBS. En 2013, le numéro un bancaire suisse a certes déjà payé une amende de 885 millions en lien avec ce dossier.
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Toutefois, la banque reste confrontée à d’autres plaintes en lien avec ce domaine. A fin juin, elle disposait de provisions de près d’un milliard de dollars pour régler des litiges liés à la vente de titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles («RMBS»), un montant rehaussé à 1,405 milliard de dollars à fin septembre. En tout, la banque a constitué 2,97 milliards de provisions pour des litiges juridiques. Vendredi, l’action UBS a cédé 1,5% à 16,08 francs.