De prime abord, rien ne paraît plus facile que de choisir un fonds de placement grâce aux bases de données disponibles gratuitement sur Internet comme celle de Morningstar. En effet, on peut y obtenir immédiatement et pour chaque catégorie les classements des meilleurs selon le critère retenu, soit principalement la performance, sur différentes périodes, la volatilité, la taille du fonds ou encore le TER (Total Expense Ratio) qui indique le montant des frais prélevés par le fonds. Et pour chaque fonds, on peut accéder à son prospectus, qui fournira en théorie toutes les données nécessaires pour faire son choix.

Dans quelle phase du cycle se trouve-t-on?

En pratique, la tâche s’avère moins évidente. On sait en effet qu’on ne peut se fier aveuglément aux données passées, en particulier la performance et la volatilité, pour présager de l’avenir. On doit tenir compte des cycles que l’on observe sur les marchés. En d’autres termes, si l’on se trouve à mi-course dans la phase ascendante, il sera tout à fait légitime de se baser sur les résultats du passé.

En revanche, si aucun facteur ne justifie la poursuite de la hausse, les données historiques perdent toute pertinence. «Ce qui est le cas actuellement, explique Katia Coudray, responsable de la sélection de fonds de placement auprès de la Banque Syz & Co à Genève, comme on le voit pour le marché obligataire par exemple: au cours de ces cinq dernières années, ce marché a bénéficié conjointement de la baisse continue des taux d’intérêt et de la compression des spreads, c’est-à-dire de l’écart de taux entre d’une part, les obligations d’Etat et, d’autre part, les obligations d’entreprise – corporate – et les titres à haut rendement. Ces performances ont peu de chances de se répéter.»

Quant aux actions, l’analyste établit un même constat: «La hausse du marché au cours de ces trois dernières années peut s’expliquer par deux facteurs: tout d’abord, la recherche par les investisseurs de titres de grandes capitalisations défensifs, autrement dit d’actions dont les cash-flows présentent de la récurrence et de la visibilité; ensuite, par la sélection d’actions de grandes capitalisations de croissance qui offrent un rendement élevé des dividendes, constituant une forme de substitution aux obligations. Mais, depuis le mois d’avril, on voit que ce vecteur de performance est essoufflé: d’une part, parce que ces titres sont généreusement valorisés; d’autre part, parce qu’on pourrait assister à une rotation de ces valeurs de grandes capitalisations de croissance vers des titres plus cycliques qui se retrouvent généralement dans le style Value. En effet, si les entreprises industrielles n’ont pratiquement rien investi dans leur outil de production depuis la sortie de la récession, elles sont maintenant en mesure de le faire en raison du désendettement massif qu’elles ont consenti.»

L’investisseur de base dans le brouillard

Le critère de la performance n’est donc que de très peu d’utilité pour l’investisseur de base puisqu’il n’a pas la capacité de savoir quand il est pertinent ou non. On rencontre d’ailleurs exactement le même problème lorsqu’on veut sélectionner un fonds dans un secteur particulier. A priori, le choix se portera sur le meilleur du classement en matière de performance ajustée au risque, via le calcul de l’écart-type pour estimer la volatilité des résultats. Mais pour qu’une telle démarche fasse sens, il faudrait que les performances soient récurrentes, autrement dit qu’elles se répètent. Or ce n’est souvent pas le cas. Pour se livrer à un choix pertinent, il faudrait identifier les facteurs qui sont à l’origine de la performance passée. Encore faudrait-il qu’ils soient toujours à l’œuvre, car non seulement les équipes peuvent changer, mais le processus de gestion lui-même peut être modifié, ainsi que le choix des produits. Au point que certains professionnels préconisent de ne jamais prendre le meilleur gérant selon les classements, mais plutôt de descendre dans la liste en raison du phénomène de retour vers la moyenne.

La taille inquiétante de certains fonds

Ces considérations sont plutôt frustrantes, puisqu’elles rendent impossible un choix basé sur quelques critères simples. Il existe heureusement un facteur important qu’il est facile d’analyser: la taille du fonds. En effet, on sait qu’il ne faut pas investir dans des fonds trop petits, car ils ne peuvent répartir leurs frais sur un nombre suffisamment élevé de parts. A l’inverse, un fonds trop grand va avoir de la peine à opérer des transactions sur le marché sans le faire bouger. Ce qui peut s’avérer dangereux en cas de retraits massifs.

Ce risque est aujourd’hui particulièrement important, s’inquiète Katia Coudray: «Le nombre de fonds qui dépassent 10 milliards d’euros a doublé en deux ans. Ce phénomène s’explique par les effets de la crise de 2008, où les investisseurs cherchaient la sécurité auprès des grands noms. La question est de savoir gérer la décroissance. Or si la hausse des marchés sous-jacents a été soutenue par les flux d’entrée, les demandes de remboursements vont mécaniquement alimenter la descente. Il y a donc un véritable risque systémique.»

Enfin, on ne peut faire l’impasse sur le TER (Total Expense Ratio). Cet indicateur synthétique des frais prélevés par le fonds avant la publication de la performance fait souvent partie des indicateurs préférés des médias. Il est clair qu’un mauvais fonds cher est à écarter sans discussion. Et même s’il est bon marché! En fait, le problème se pose lorsque vous n’arrivez pas à évaluer si la rémunération du gérant se justifie, non seulement pour ses résultats passés, mais surtout pour l’avenir.