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Les délocalisations ont commencé dans l’industrie

L’industrie allemande des machines fait de bonnes affaires grâce à l’affaiblissement monétaire de ses concurrents en Suisse

Hans Hess, président de Swissmem, est confronté à l'effet franc fort.  — © LUKAS LEHMANN
Hans Hess, président de Swissmem, est confronté à l'effet franc fort.  — © LUKAS LEHMANN

L’industrie des machines est l’un des secteurs économiques qui souffrent le plus de la levée du taux plancher euro-franc suisse par la Banque nationale suisse (BNS) le 15 janvier 2015. «L’inquiétude est grande dans la branche», a résumé lundi Peter Dietrich, directeur de Swissmem, à Berne, au cours de la conférence de presse annuelle de l’organisation qui regroupe plus de 1000 entreprises.

Selon l’analyse du directeur, le recul des entrées de commandes est actuellement plus grave que lors du premier choc du franc fort fin 2011. Il y a un peu plus de 4 ans, le repli a été très prononcé, à 19%, mais il fut de courte durée (deux trimestres) à partir d’un niveau très élevé (+30% à fin 2010 comparé à l’année précédente).

L’an dernier, la diminution des commandes s’est située à 14% en moyenne, mais n’a guère varié au fil des quatre trimestres. Le mouvement ressemble davantage à celui enduré durant la crise économique de 2009. «Au quatrième trimestre 2015, les commandes ont atteint le deuxième niveau le plus bas des dix dernières années», souligne Peter Dietrich.

Alors que la Suisse souffre d’une baisse continue des exportations du secteur des machines, l’Allemagne, premier client mais aussi premier pays concurrent de la Suisse dans ce domaine, jouit d’une situation inverse. «Les entreprises suisses perdent des parts de marché malgré des concessions faites sur les prix, constate Hans Hess, président de Swissmem. En revanche, l’environnement économique globalement difficile se révèle bénéfique à nos concurrents directs en raison d’une situation favorable au niveau des devises».

Recul constant des exportations

Concrètement, les exportations suisses de la branche des machines ont continuellement reculé l’an dernier, soit -1,5% au premier trimestre, -2,7% au deuxième, -6,7% au troisième, et -7,3% au quatrième. En Allemagne, elles ont au contraire augmenté de 8,2% au premier trimestre, de 10,7% au deuxième et de 6,9% au troisième.

Un autre changement important comparé au raffermissement du franc en 2011, c’est l’impact sur l’emploi. Deux mille cinq cents postes de travail ont été perdus en Suisse l’an dernier au sein des 1050 entreprises membres de Swissmem. C’est le plus souvent le résultat de décisions de délocalisations. 22% des sociétés interrogées par Swissmem ont signalé l’an dernier avoir déjà effectué des transferts de production en raison du franc fort, et 24% ont indiqué s’apprêter à le faire.

Markus Werro, patron de la société bernoise Afag, qui compte 195 collaborateurs actifs dans le domaine des compresseurs et des composants pneumatiques pour des chaînes de montage, admet avoir dû sous-traiter des commandes en Hongrie ou au Portugal. «Mais cela se passe aussi parfois dans l’autre sens, par exemple d’Allemagne en Suisse, pour des raisons de savoir-faire ou de capacité de production», explique-t-il.

Ces mesures, ainsi que la possibilité offerte en Suisse par la convention collective de travail d’augmenter les horaires hebdomadaires de 5 heures durant 15 mois sans augmentation de salaire, ont permis à Afag de préserver sa capacité bénéficiaire. «Une chute de 60% du bénéfice opérationnel (EBIT) a ainsi pu être évitée», constate Markus Werro.

Mais toutes les sociétés ne sont pas dans ce cas. «L’an dernier, près d’un tiers des entreprises s’est retrouvé dans une situation de perte opérationnelle», constate Peter Dietrich. «En raison des marges fortement diminuées, les entreprises ont beaucoup de peine à faire du bénéfice leur permettant d’investir dans l’avenir et de rester compétitives», relève Hans Hess.

Le président de Swissmem estime cependant que les crises offrent aussi des opportunités d’investissements. «Le passage à la numérisation, soit la mise en réseau des machines de production, permettra, par exemple, de réagir plus rapidement aux besoins de la clientèle et de produire à moindre coût des petites séries, ce qui a toujours été un point fort de l’industrie suisse».

Hans Hess juge aussi trop alarmiste la crainte de désindustrialisation du pays soulevée par le président de la Confédération Johann Schneider-Ammann.