UBS SA peut commencer à espérer une sanction nettement moins lourde en appel qu’en première instance. Lundi soir, l’accusation a révisé à «au moins deux milliards d’euros» ses exigences financières si la banque devait, à nouveau, être reconnue coupable de «démarchage bancaire illicite» et «blanchiment aggravé de fraude fiscale». Le procès en appel doit s’achever mercredi à la mi-journée. Le jugement sera mis en délibéré.

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A l’issue du premier procès, en novembre 2018, les deux coprocureurs du Parquet national financier (PNF) Eric Russo et Serge Roques avaient réclamé 3,7 milliards d’euros d’amende, somme basée sur le montant des avoirs français dissimulés en Suisse, pendant la période de prévention (2004-2012), estimé «entre 3,7 et 23 milliards d’euros selon les évaluations». Des réquisitions entièrement suivies par le tribunal qui, en plus, avait le 20 février 2019 condamné la banque, sa filiale UBS France et six anciens cadres des deux établissements à acquitter «solidairement» 800 millions d’euros de dommages et intérêts.

Révision à la baisse

Deux ans plus tard, les deux avocats généraux Serge Roques – qui avait déjà officié en 2018 – et Muriel Fusina ont tenu compte, dans leur demande «d’au moins deux milliards d’euros» d’amende, d’une décision de la Cour de cassation de septembre 2019 (arrêt Achach). Lequel stipule, en cas de blanchiment de fraude fiscale, que «la peine d’amende encourue peut être élevée jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations», que «l’assiette de l’amende ainsi définie ne peut être calculée qu’en prenant pour base le montant du produit direct ou indirect de l’infraction d’origine» et que «le produit de la fraude fiscale est constitué de l’économie qu’elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés». Cette révision à la baisse des exigences de l’accusation part d’une estimation des droits fiscaux éludés par les fraudeurs titulaires de comptes chez UBS AG à 895 millions d’euros. Pour mémoire, la banque helvétique avait acquitté en septembre 2014 une caution record de 1,1 milliard d’euros. Elle a depuis provisionné 450 millions d’euros supplémentaires en vue de ce procès en appel.

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A ces réquisitions des avocats généraux contre UBS SA s’est ajoutée, lundi, la demande de l’avocat des parties civiles représentant l’Etat français. Contrairement aux coprocureurs, celui-ci a en revanche réclamé 1 milliard d’euros au lieu des 800 millions obtenus en première instance, somme alors inférieure de moitié à sa demande initiale de 1,6 milliards. Du côté des autres accusés présents au procès en appel, les peines requises sont en revanche conformes aux réquisitions de première instance.

UBS France se voit réclamer 15 millions d’euros. Idem pour les personnes physiques, dont les peines exigées sont un «copier-coller» de 2018: 6 mois avec sursis et 50 000 euros d’amende pour Hervé d’Halluin, ancien responsable du bureau d’UBS France à Lille, 12 mois avec sursis et 200 000 euros d’amende pour Patrick de Fayet, ancien numéro deux d’UBS France, 18 mois avec sursis et 300 000 euros d’amende pour Raoul Weil, ancien numéro trois d’UBS SA (le seul acquitté en première instance, contre lequel le parquet avait fait appel), 18 mois avec sursis et 300 000 euros pour Dieter Kiefer, ancien président du conseil de surveillance d’UBS France, 12 mois avec sursis et 200 000 euros contre Philippe Wick et Olivier Baudry, tous deux ex-responsables du desk France international d’UBS AG.

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La journée de lundi a été consacrée à l’audition des représentants des deux banques UBS SA et UBS France, puis aux réquisitions. Les plaidoiries démarrent ce mardi et se poursuivront jusqu’à mercredi à la mi-journée. Le sujet central des échanges entre le tribunal et les représentants des établissements financiers a porté sur les contours du secret bancaire suisse, abandonné officiellement en 2009 par le Conseil fédéral suite aux pressions des Etats Unis et à la condamnation d’UBS dans ce pays à une amende alors record de 780 millions de dollars. La Suisse pratique, depuis 2017, l’échange automatique d’informations bancaires conformément aux standards de l’OCDE.

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