Les récentes crises systémiques et financières ont poussé les investisseurs multi-actifs à revisiter leur style d’allocation d’actifs. Alors que la diversification d’un portefeuille reste incontournable, le traditionnel portefeuille investi 60% en actions et 40% en obligations n’a pas résisté à l’épreuve des marchés. Entre novembre 2007 et mars 2009, calculés avec les actions et les obligations d’Etat à dix ans américaines, ce portefeuille a enregistré une perte historique en capital (drawdown) de 24,4%. De même, sa volatilité historique a atteint un record sur quarante ans de 18% sur la même période.

Dans cet environnement, l’allocation à parité des risques (risk parity) a joué un rôle de prédilection. La raison en est que la volatilité de l’actif le plus risqué, les actions, est diluée grâce à un effet levier exercé sur les obligations. Ainsi, les contributions de ces deux actifs à la volatilité du portefeuille global sont égales. Par construction, l’allocation d’actifs par parité des risques tend à surpondérer l’actif bénéficiant à la fois du bêta et du risque spécifique les plus faibles. La perte en capital d’un tel portefeuille a été limitée à 5%.

Sur quarante ans, l’essentiel de la volatilité du portefeuille 60/40 provient des actions. Selon nos calculs, la contribution des actions est de 86%. Au cours de crises récentes, entre 2008 et 2013, la contribution des actions s’est élevée à une moyenne record de 110%. La performance élevée du portefeuille à parité des risques s’explique par une moindre contribution des actions à la volatilité et une corrélation actions-obligations record de – 0,8. Le levier exercé sur les obligations a permis à l’effet diversification de jouer à plein.

La parité des risques fait l’objet d’un intense débat parmi les investisseurs. Deux critiques principales sont émises à son encontre. Premièrement, alors que sa rentabilité corrigée du risque est élevée, sa rentabilité absolue ne l’est pas sans l’utilisation du levier. Deuxièmement, la rentabilité absolue élevée des portefeuilles à parité des risques doit son état de grâce à la formidable tendance haussière des obligations d’Etat. Entre septembre 1980 et fin avril 2013, les taux d’intérêt long terme américains sont passés de 16% à 1,4%, générant une performance annuelle moyenne des obligations à dix ans de 9,1%. Cette performance n’est en aucune façon répétable. Pire, elle a de fortes chances de s’inverser. Une normalisation de la croissance nominale américaine porterait les taux d’intérêt à 5% environ et générerait des performances négatives.

Ces critiques amènent certains à la conclusion que l’allocation par parité des risques atteint ses limites. En raison des lourdes pertes subies lors la brutale hausse récente des taux d’intérêt long terme, les plus pessimistes diront que ce style d’allocation d’actifs a un sombre avenir. Une analyse plus approfondie conduit à des conclusions plus nuancées. Nous pouvons distinguer au moins trois cas de figure plausibles dans lesquels l’allocation à parité des risques a un intérêt.

Cas de figure numéro 1: d’un bêta à l’autre. Si à une tendance haussière des obligations succède une tendance haussière des actions, la performance absolue d’un portefeuille à parité des risques en bénéficierait. Evidemment, il devra s’accompagner d’une baisse de la volatilité des actions, phénomène généralement observé dans les tendances haussières. Ce changement de régime dans les actions suppose un changement de régime dans l’économie. Le renouement de l’économie américaine avec une croissance auto-entretenue constitue précisément l’enjeu du second semestre 2013.

Cas de figure numéro 2: instabilité persistante de l’environnement économique. Par construction, l’allocation à parité des risques protège beaucoup mieux des chocs systémiques et des pics de volatilité. La période 2008-2013 l’a montré.

Cas de figure numéro 3: instabilité du comportement des classes d’actifs. Les corrélations entre les classes d’actifs sont à la fois instables et déterminantes pour la performance des portefeuilles 60/40. L’allocation par parité des risques tire beaucoup mieux son épingle du jeu d’un changement de régime dans les corrélations et dans les volatilités relatives des classes d’actifs.

Il est clair que ces trois cas de figure s’excluent mutuellement, particulièrement le premier, qui suppose une normalisation de l’environnement, alors que les deux suivants supposent une persistance des chocs systémiques. L’allocation par parité des risques est une proposition intéressante dans des environnements très différents. Cela illustre sa caractéristique tout-terrain.

*Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique

**Stratégiste actions senior