Les employés de Credit Suisse dans l’expectative: «Je risque d’être l’un des premiers à sauter!»
Témoignages
AbonnéClimat tendu ce lundi matin. A Lausanne, les employés de Credit Suisse sont arrivés au bureau la mine grise, sans vouloir faire le moindre commentaire. D’autres collaborateurs basés à Zurich expriment leurs craintes par téléphone

Drôle d’ambiance ce lundi matin à Saint-François. La place bancaire lausannoise s’est réveillée avec la gueule de bois, voyant disparaître une institution historique. A l’écart des bureaux de la BCV et d’UBS, Credit Suisse s’apprête à ouvrir ses portes comme chaque matin à 9h. Les employés de la banque rachetée dimanche soir par UBS sont arrivés les uns après les autres en pénétrant par l’entrée du personnel, située en contre-haut du hall d’accueil. Visages crispés, pas pressant, aucun des 25 employés croisés rue du Lion-d’Or n’a souhaité s’exprimer sur le rachat de la banque. «Nous n’avons pas le droit de faire de commentaires», s’excuse un homme avant de disparaître derrière la porte automatique. Une autre employée en rigole nerveusement. «Ce n’est pas le moment, de toute façon, on ne sait pas de quoi sera fait notre avenir.»
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Si la grande majorité des employés préfèrent rester discrets – par peur de représailles ou certains suivant les consignes de leurs supérieurs hiérarchiques –, certains ont accepté de se confier par téléphone sur ces derniers jours inédits et sur leur futur.
Déçu du peu d’informations
C’est le cas de Louis*, qui fait partie du service clients de Credit Suisse. Ce dernier attendait impatiemment ce lundi pour avoir plus d’informations, en vain. «J'avais hâte d’être ce matin pour ne plus être dans l’expectative. Je m’attendais à recevoir certaines indications mais au final, je suis déçu car je ne sais toujours pas ce qu’il va se passer pour nous.»
Le banquier à toutefois reçu une liste de questions, ainsi que les réponses, qui peuvent lui être posées fréquemment par ses clients. «Le téléphone n’arrête pas de sonner pour savoir si leurs avoirs sont assurés. Certains points sont encore flous mais normalement les dépôts de cash sont assurés à hauteur de 100 000 francs, alors que le reste sera repris par UBS. Mais je n’ai pas reçu la confirmation noir sur blanc.» Pour Louis*, la semaine dernière a été particulièrement mouvementée. «Nous étions sous l’eau. Entre ceux qui voulaient placer de l’argent dans d’autres banques et ceux qui voulaient acheter des actions en espérant que le cours remonte, nous avons été très sollicités. C’est aussi la preuve que tout est allé très vite car avant ce week-end, on ne parlait pas de rachat, ni de faillite.»
Partir avant que le navire ne coule
En attendant, les employés de la banque basée à Zurich ne savent toujours pas quel sort leur sera réservé. «Je risque d’être l’un des premiers à sauter car mon travail existe déjà au sein d’UBS et je ne vois pas pourquoi ils me garderaient», soupire Louis*. Même son de cloche pour l’un de ses collègues qui ajoute: «Il y a 37 000 employés répartis entre Credit Suisse (16 000) et UBS (21 000) en Suisse. Il y aura donc de toute façon des milliers de postes supprimés et d’employés licenciés. Je ne sais pas si j’ai meilleur temps de quitter le navire avant qu’il ne coule ou si j’attends de me retrouver en même temps avec 10 000 autres personnes sur le marché du travail.»
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Les employés d’UBS ne savent pas quel sort leur sera réservé
A Lausanne, à quelques dizaines de mètres de Credit Suisse, UBS a ouvert ses portes ce lundi dans le même climat d’incertitude. «Je connais beaucoup de monde à Credit Suisse, je suis content pour eux que la faillite ne soit pas l’option privilégiée, témoigne un banquier d’une cinquantaine d’années. Pour le moment, nous sommes dans l’attente. On ne sait pas ce qu’il va se passer.» Même son de cloche pour l’un de ses collègues qui accepte de se prononcer sur le sujet à l’abri des regards. «Ce qui m’inquiète, c’est qu’on ne sait pas si des emplois seront en danger au sein d’UBS. J’imagine que ces prochains jours les séances vont s’enchaîner et qu’on en saura plus. Je me demande aussi si toutes les agences historiques de Credit Suisse vont fermer ou si certaines resteront ouvertes.»
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*Prénom d’emprunt