Ils concerneront la protection de l’eau, les déchets, la contribution à l’économie circulaire et la protection de la biodiversité. Ainsi donc, en extrapolant, on peut estimer que 2400 pages seront encore nécessaires pour déterminer si une activité est verte ou non. Et nous ne parlons à ce stade que du E de l’acronyme ESG: Environnement, Social et Gouvernance, puisque les critères S et G ne sont pas encore établis. Décidément, la définition de cette fameuse durabilité n’est pas simple.
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Pour couronner le tout, les Etats-Unis ont eux aussi l’ambition de définir leurs critères. Sans parler de la Chine, qui s’implique désormais beaucoup dans cette problématique, et ne désire pas se laisser dicter des normes.
La Suisse, «smart follower»
La standardisation dans le domaine ESG, demandée depuis longtemps par les investisseurs et les gestionnaires d’actifs, est donc péniblement en train de voir le jour. Avec environ 100 ans de décalage, elle suit le même processus que la mise en place des normes comptables internationales. Ces dernières sont nées aux Etats-Unis à la suite de la crise financière de 1929, et 70 ans ont été nécessaires pour établir des standards internationaux. Sauf qu’aujourd’hui le temps presse.
C’est pourquoi l’Europe avance au pas de charge: bientôt, toutes les entreprises concernées devront reporter leur part d’activités (chiffre d’affaires, capital investi, charges opérationnelles) selon les critères de cette taxonomie. Ce qui permettra et obligera les gestionnaires à mesurer la part «vert clair», «vert foncé» et «brune» de leurs portefeuilles.
Et la Suisse dans tout ça? Soyons réalistes. Bien qu’étant un acteur important dans la gestion d’actifs au niveau mondial, et même si elle a quelques beaux atouts à jouer dans certains segments de niche comme l’investissement d’impact ou la microfinance, elle ne peut au mieux que s’adapter à ces standards durables qui émergent ailleurs. Elle a finalement intérêt à appliquer une stratégie de smart follower pour rester compétitive.
L’investissement durable n’est pas un futur eldorado
Pour les gestionnaires d’actifs, qu’ils soient suisses ou européens, l’époque de la gestion durable originale, démarquée et engagée, semble donc révolue. La durabilité devient un standard et va s’intégrer très vite au sein de toutes les gestions, comme une caractéristique de plus en plus quantitative, au même titre que la mesure du risque. Elle fera bientôt partie de tous les produits. Le temps des pionniers est révolu.
Alors qui va profiter de cette tendance? Malheureusement, le refrain, répété par beaucoup, de l’investissement durable comme futur eldorado, semble surfait. Avec cette standardisation, l’ESG devient mainstream, et perd son caractère de différenciation. Au temps de la ruée vers l’or, ceux qui ont vendu des pelles et des salopettes ont plus fait fortune que les orpailleurs.
Dans le cas de l’investissement durable, ce sont donc plutôt les fiduciaires, les juristes, les spécialistes de la compliance, bref tous ceux qui tirent parti de l’augmentation de la réglementation et des standards, qui vont s’enrichir. Pas les investisseurs. Ni les gestionnaires.