Banques
La fondation Genève place financière tenait sa conférence annuelle mardi. L’occasion pour son président Yves Mirabaud de prendre le pouls d’un secteur qui fait face à la chute des fonds sous gestion et des bénéfices. Il a souligné l’exode de clients sud-américains, partis selon lui aux Etats-Unis

Les temps sont durs pour les banquiers et la conférence de presse annuelle de la Fondation Genève Place Financière est l’occasion de le rappeler. Et cela même si le nombre d’établissements (119) et d’emplois liés à la finance dans le canton (37 000 fin 2015) sont restés relativement stables ces derniers mois.
Mardi, c’est Yves Mirabaud qui a ouvert les feux devant un parterre de journalistes. Le président de la fondation a commencé par énoncer les mauvaises nouvelles de ces dernières semaines: la chute de Genève au classement des places financières mondiales, publié chaque semestre par le cabinet britannique Y/Zen Group (du 15e au 23e rang) ou encore l’étude de KPMG qui révélait que 10% des banques privées suisses n’ont pas survécu à 2015. Autant de «signaux d’alerte que l’on aurait tort de négliger», a-t-il souligné.
Lire aussi: Genève chute au 23e rang du classement des places financières
Le banquier genevois en a profité pour rappeler que la «compétitivité de la place financière ne se décrète pas» et que cette chute était en grande partie due à un «manque de prévisibilité qui constitue un frein au développement d’un environnement propice aux affaires». Entre autres exemples, il a cité les difficultés à attirer des talents étrangers suite à la votation du 9 février 2014 (initiative contre l’immigration de masse) ou «l’indispensable réforme de l’imposition des entreprises» sur laquelle le peuple genevois sera appelé à voter. Sans oublier, bien sûr, l’éternelle question de l’accès au marché européen.
Le Brexit ne profitera pas à Genève
Malgré les nombreuses incertitudes, Yves Mirabaud s’est montré volontairement optimiste. «Deux attitudes s’offrent aux établissements de la place, a-t-il poursuivi. Ils peuvent soit se complaire dans un défaitisme résigné soit, au contraire, prendre le taureau par les cornes et s’appuyer sur leurs nombreux atouts.»
Questionné sur la nature de ces atouts, le président de la fondation a notamment cité la gestion d’actifs qui ne cesse de progresser dans la Cité de Calvin. Mais aussi l’innovation, et notamment l’avenir que représentent les fintech.
Il a en revanche douché les espoirs de certains en assurant que Genève ne profiterait pas forcément du Brexit et d’un affaiblissement éventuel de la place londonienne. «Il ne faut pas sous-estimer la capacité de résistance de la City et il ne faut pas non plus oublier qu’une présence à Luxembourg, Dublin ou Francfort permet d’accéder au marché européen, contrairement à Genève», a-t-il conclu.
Le président de la fondation a ensuite laissé la parole au directeur, Edouard Cuendet. Ce dernier n’a pas franchement rassuré l’audience en présentant les résultats de l’enquête conjoncturelle menée chaque été depuis 2002 auprès des membres de la fondation.
Des bénéfices en berne
Deux tiers des grandes banques – celles de 200 employés au moins – indiquent ainsi avoir vu leur bénéfice net se détériorer de 3% au moins au premier semestre 2016. Un pourcentage qui atteint 57,2% pour les banques de taille moyenne (199 à 50 employés). Pire, un tiers des grandes banques s’attendent à une chute de 8% à 14% de leur bénéfice pour l’ensemble de l’année.
Si ces dernières tendent à réduire leurs effectifs pour réaliser des économies, les plus petites ont toutefois tendance à recruter, a souligné Edouard Cuendet. Ainsi, près de la moitié des banques de taille moyenne indiquent avoir augmenté leur masse salariale de 3% à 7% durant le premier semestre. Résultat: le nombre de banquiers au chômage dans le canton est passé de 523 en début d’année à 521 à la fin du mois de juillet.
Autre constat: les actifs sous gestion s’inscrivent en recul au premier semestre dans 80% des grandes banques. En revanche, ils ont progressé dans plus de deux tiers des établissements de taille moyenne.
Fuite aux Etats-Unis
Cette évolution est principalement la conséquence de retraits de clients plutôt que d’effets de change ou de marché comme en 2015, a précisé Edouard Cuendet. Si les fonds provenant d’Europe sont tout particulièrement concernés – ce qui démontre selon lui l’importance pour les banquiers suisses de pouvoir se rendre à l’étranger pour rencontrer des clients – ceux provenant d’Amérique Latine affichent également une baisse importante.
La moitié des grandes banques ont ainsi vu leur masse sous gestion provenant de cette région diminuer d’au moins 10% au premier semestre. Pour Yves Mirabaud, cela est notamment dû au fait que des clients sont partis avec leurs avoirs aux Etats-Unis pour échapper à l’échange automatique d’informations.