Pandémie
Un groupement représentant des acteurs de la monnaie ou des avocats de la sphère privée s’offusque de la «stigmatisation» de l’argent liquide, accusé à tort selon eux de favoriser la transmission du coronavirus

L’argent liquide, danger en temps de pandémie? Pas pour tous. L’OMS a lancé, involontairement, une offensive contre le cash, en recommandant d’utiliser des moyens de paiement sans contact pour limiter les risques de transmission du coronavirus, avant de nuancer sa dangerosité. Mais le mal était fait et aux yeux de beaucoup, le cash est devenu suspect. Même si les Suisses restent a priori friands des espèces: elles sont utilisées dans 70% des transactions, selon une étude de 2017 de la Banque nationale. Les billets et pièces de monnaie ont toujours leurs défenseurs, qui montent désormais au créneau.
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Dans un communiqué publié jeudi matin, un groupe représentant «les secteurs de la monnaie, des distributeurs automatiques de billets, des transports et de la sécurité» l’ont asséné: «L’argent liquide est sûr: nous devons cesser de stigmatiser ses utilisateurs.» Et ces acteurs de demander aux «gouvernements, banques centrales, médias, entreprises» et même à «la société» dans son ensemble de «défendre l’argent liquide afin de protéger la résilience de l’écosystème des moyens paiement existants et de garantir que les groupes vulnérables ne soient pas privés du seul moyen de paiement disponible pour tous», précise encore le texte dont l’envoi a été «soutenu par KBA-NotaSys», un fabricant de planches à billets fondé à Lausanne et appartenant au groupe allemand Koenig & Bauer depuis 2001.
Cash banni dans les commerces
Depuis le début de la pandémie, nombre de commerces ont décidé de bannir l’usage de l’argent liquide, demandant à leurs clients de n’utiliser que des moyens de paiement électroniques. Certaines banques centrales mettent également les billets qu’elles reçoivent en quarantaine, avant de les réinjecter dans le circuit économique. En Suisse, la Banque nationale n’a pas pris de mesures particulières, considérant que les billets ne posent pas plus de risques que d’autres surfaces d’usage public, recommandant simplement aux utilisateurs de se suivre les consignes sanitaires de l’OFSP.
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De fait, la dangerosité du cash n’est pas vraiment établie. La Banque des règlements internationaux a récemment conclu que «les études scientifiques montrent que la probabilité d’une transmission via des billets de banque est faible quand on la compare avec d’autres objets fréquemment touchés, comme les terminaux de cartes de crédit ou les claviers d’identification personnelle».
D’où un intérêt croissant pour les paiements sans contact. Les comportements commencent d’ailleurs à changer. Twint, qui a développé une application de paiement sur smartphone, a vu une hausse des téléchargements sans précédent. Les fournisseurs de cartes de paiement ont en outre décidé ensemble de relever le plafond des paiements sans contact de 40 à 80 francs depuis la mi-avril.
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Ça va trop loin, selon ce groupement, qui considère que des «mesures intensives ont été prises pour assurer la continuité de l’approvisionnement et de la disponibilité de l’argent liquide, en préservant la sécurité des processus, de la santé, de la sécurité des travailleurs». Parmi ce «lobby du cash» figurent l’International Currency Association, CashEssentials, l’International Security Ligue, l’association européenne des sociétés de gestion des espèces, l’ATM Industry Association et Cash Matters.
Ils mettent en avant d’une part l’importance de la sphère privée – le cash est le seul moyen de payer sans laisser ni traces ni big data – et d’autre part le risque de marginalisation d’une frange de la population: «Il est particulièrement vital pour les personnes âgées, les sans-abri et les autres groupes marginalisés, comme le 1,7 milliard de personnes non bancarisées dans le monde.»