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La Fed risque de stimuler le dollar

Lors des précédents cycles de resserrement de la politique monétaire, le billet vert a eu tendance à s’apprécier

La Fed risque de stimuler le dollar

Lors des précédents cycles de resserrement de la politique monétaire, le billet vert a eu tendance à s’apprécier

Compte tenu des flots importants d’informations, et en particulier du contexte géopolitique alarmant en Ukraine, on pourrait s’attendre à une hausse de la vo­latilité et à une dynamique constante des actifs. C’est loin d’être le cas.

Les rendements des devises, des actions et des obligations d’Etat évoluent dans des fourchettes étroites, tandis que la volatilité et les volumes se font rares. Une chose est sûre: les marchés restent rarement calmes longtemps et les périodes de calme précèdent souvent des mouvements directionnels marqués. De fait, dans un contexte de faible volatilité, les traders ont tendance à accroître les transactions à effet de levier et à sous-estimer les risques (d’où la surévaluation des obligations périphériques européennes). Puis le dénouement des positions ne fait qu’amplifier l’extrême volatilité qui en découle. Pourtant, la raison d’un tel comportement est compréhensible: l’évaluation des actifs est dictée depuis six ans par la politique des grandes banques centrales. Or les acteurs des marchés ignorent pour le moment quelles seront les prochaines actions de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE).

Le jour où ils réaliseront que la Fed entend normaliser sa politique plus vite que prévu devrait être le point de départ d’une plus forte évolution des prix et d’un regain de volatilité. Les données économiques de la semaine dernière illustrent une consolidation de la reprise américaine. Bien qu’au premier trimestre le PIB américain ait progressé de seulement 0,1% en glissement trimestriel, cette chute est sûrement due à l’impact négatif des conditions météorologiques et ne devrait pas perdurer au cours des trimestres prochains. Les derniers chiffres de l’emploi américain indiquent une création d’emplois soutenue avec la publication des emplois non agricoles, en hausse de 288 000 sur avril, et un taux de chômage à 6,3%.

Le progrès dans les chiffres économiques soutient le point de vue du Comité de politique monétaire de la Fed qui consiste à maintenir intactes ses indications qualitatives: la décision d’une nouvelle réduction des achats d’actifs de 10 milliards de dollars a ainsi été prise sans stress à la réunion de 30 avril. A ce rythme, le «QE3» prendra fin d’ici à l’automne. Les marchés commencent à anticiper un cycle de hausse graduelle des taux d’intérêt, mais les événements à risque maintiennent les taux au plus bas et annulent la justesse des prix. Les taux américains à 10 ans devraient atteindre 3,25 à 3,50% d’ici à la fin de l’année (ils sont actuellement à 2,69%) et le rythme de hausse pourrait en surprendre plus d’un du mauvais côté de la transaction.

En ce qui concerne la monnaie américaine, les données sont un peu floues à court terme mais les faits montrent que le dollar tend à se renforcer durant les cycles de resserrement monétaire de la Fed. Si la phase actuelle de resserrement n’explique pas à elle seule l’appréciation du dollar américain, elle donne toutefois une bonne indication de sa direction potentielle. Au cours des quatre derniers cycles de resserrement, les deux cycles survenus avant 1999 ont eu des effets mitigés sur la monnaie. Après 1999, la tendance s’est affirmée. Au cours des périodes allant de 1999 à 2000 et de 2004 à 2006, le DXY (USD par rapport à un panier pondéré de devises du G10) a nettement progressé. Il est intéressant de noter que la tendance est plus nette au niveau de la parité entre l’euro et le dollar, en raison de l’impact de la politique de la Fed sur les écarts (spreads).

La question est donc la suivante: si la Fed durcit sa politique, quelle action peut-on attendre de la BCE? Cette dernière craint la déflation et a laissé entendre qu’un nouveau ralentissement de l’inflation se traduirait par de nouvelles mesures non orthodoxes. La semaine dernière, le niveau décevant de l’HICP allemand a entraîné une hausse de l’HICP flash de la zone euro pour le mois d’avril de 0,2 point de pourcentage à 0,7% en glissement annuel. Même Pâques n’est pas parvenu à tirer l’inflation à la hausse. A ce stade, aucun choc des prix n’est à prévoir et l’inflation dans la zone euro devrait rester inférieure à 1%. Cette inflation, combinée aux chiffres du crédit, jouera un rôle essentiel dans la décision que prendra jeudi Mario Draghi. En ce qui nous concerne, nous anticipons des mesures ciblées de la BCE, telles qu’une opération de refinancement à long terme visant à faciliter les prêts bancaires et/ou un programme d’achats de titres adossés à des actifs. Si notre scénario de base part du principe que les décisions de Draghi n’auront pas un impact très efficace, la menace devrait toutefois maintenir les taux bas et permettre au dollar américain de tirer parti de cet écart de politique.

* Chef analyste des devises, Swissquote Bank SA, Swissquote.ch