«On ne peut pas devenir durable en un claquement de doigts.» «C’est complexe.» «Il faut du temps.» Ce genre d’excuses va bientôt disparaître du vocabulaire des intermédiaires financiers. Dès mercredi prochain, ils devront montrer davantage de transparence quant à la durabilité de leurs investissements. Ce 10 mars entrent en effet en vigueur les premières dispositions du règlement européen SFDR, sur la divulgation d’informations en matière de finance durable.

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Ce texte veut permettre aux clients d’obtenir davantage d’informations sur les conséquences de leurs investissements, de manière standardisée et plus facilement comparable. Et donc de lutter contre le greenwashing, la plaie des investissements verts. Les banques et les gérants, y compris en Suisse (car ils ont des clients européens), vont devoir montrer leurs progrès en matière de durabilité.

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C’est une véritable réaction en chaîne qui commencera mercredi prochain. Les sites internet des institutions financières vont s’enrichir d’une nouvelle déclaration, sur la façon dont elles prennent en compte les conséquences négatives de l’activité des entreprises dans lesquelles elles investissent. On parle des conséquences sur le climat et l’environnement, mais aussi sur des aspects sociaux, le respect des droits humains ou la corruption. Ce principal adverse impact statement sera obligatoire pour les banques et gérants d’actifs employant au moins 500 personnes; les plus petits acteurs auront le choix d’afficher ces informations ou d’expliquer pourquoi ils considèrent que ces aspects ne sont pas pertinents pour leurs investissements.

Dans le bon camp

Vu l’intérêt croissant des clients et l’importance du marché des investissements ESG (qui utilisent des critères environnementaux, sociaux ou liés à la gouvernance), tout le monde voudra probablement être dans le camp de ceux qui appliquent cette règle, et pas ceux qui doivent expliquer pourquoi ils rechignent.

Dès le 30 juin prochain, les grands intermédiaires financiers devront dans tous les cas recueillir une foule d’informations sur les sociétés dans lesquelles ils investissent. Sur leur intensité carbone, leur utilisation de l’eau, leur gestion des déchets, leur politique en matière de diversité, les éventuels écarts de paie entre leurs employés masculins et féminins. Des informations que les entreprises en question seront priées de fournir, même au prix d’un supplément de travail non négligeable.

Ces sociétés pourront s’appuyer sur l’autre nouveauté européenne: la taxonomie, une classification des activités considérées comme durables et non durables. Les acteurs de l’économie réelle devront dévoiler combien de leurs dépenses d’investissement et de leurs dépenses opérationnelles contribuent positivement à des critères environnementaux.

Séparer le bon grain de l’ivraie

Pour ces entreprises, ces informations sont aussi un moyen de se présenter comme un actif digne d’investissement, qui applique de bonnes pratiques. Les investisseurs trouveront dans ces données de quoi identifier les entreprises plus risquées mais aussi celles qui ont décidé d’améliorer leur profil. Celles qui ont défini des stratégies de transition écologiques, par exemple. Les meilleures opportunités de placement, en somme. Le côté durable (ou pas) des produits financiers devra également être mieux décrit.

Le greenwashing va-t-il pour autant subitement disparaître? Ces nouvelles dispositions instaurent un suivi dans le temps des performances des entreprises et des investisseurs qui les soutiennent. D’année en année, les clients finaux pourront voir si les premières et les seconds tiennent leurs promesses. Si les quantités de CO2 émises diminuent, si l’intensité carbone des portefeuilles recule. Il faudra bien sûr plusieurs années pour que les tendances apparaissent. Mais les comportements vont devoir changer: les vagues promesses de proposer un fonds de placement soi-disant vert ne tiendront plus face aux chiffres objectifs et comparables. La transparence, c’est maintenant – le 10 mars, plus précisément.