Le nombre d’initial coin offerings (ICO) lancés par des émetteurs basés en Suisse ne cesse de croître. Outre le fait que l’une des deux principales cryptomonnaies a été émise depuis la Suisse ainsi que le savoir-faire développé par notre pays dans le domaine des smart contracts (algorithmes permettant l’exécution automatique de prestations), la position bienveillante des autorités fédérales et le cadre réglementaire suisse sont également des facteurs déterminants expliquant cet engouement. En effet, en résumé, l’émission sur le marché primaire des jetons numériques ne nécessite pas d’autorisation, si ces tokens/coins respectent certaines exigences, notamment en termes de prospectus (pour les securities tokens).

Une ICO permet d’effectuer une levée publique de capitaux sous forme numérique, notamment à des fins entrepreneuriales, sur la base de la technologie de la blockchain. Lors d’une ICO, les investisseurs transmettent habituellement des cryptomonnaies à l’organisateur de l’ICO et reçoivent en échange des tokens.

Compte tenu «de la dynamique particulière du marché et de la forte demande dans ce domaine», selon les propres termes de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), cette dernière a publié le 16 février dernier un guide pratique expliquant de quelle manière elle traite les demandes d’assujettissement dans ce domaine, précisant ainsi sa récente communication sur la surveillance 04/2017 dans ce domaine.

Les trois catégories

D’un point de vue réglementaire suisse, on peut diviser les tokens (en français «jetons numériques») et ICO en trois catégories: 1. les jetons de paiement (ou «cryptomonnaies pures»); 2. les jetons d’utilité (ou utillity tokens); et 3. les jetons d’investissement (ou security tokens).

Selon le guide pratique de la Finma, les pures cryptomonnaies «incluent les jetons qui sont acceptés comme moyen de paiement pour l’achat de marchandises ou de services dans les faits ou selon l’intention de l’organisateur ou qui doivent servir à la transmission de fonds et de valeurs. Les cryptomonnaies ne confèrent aucun droit à l’égard d’un émetteur.» En d’autres termes, elles constituent un moyen de paiement ou d’échange (numérique).

La Finma a confirmé qu’elle ne traitait pas ces jetons de paiement comme des valeurs mobilières (securities), contrairement à d’autres juridictions et conformément, notamment, au rapport du Conseil fédéral du 25 juin 2014 sur les monnaies virtuelles. Ainsi, en résumé, leur émission depuis la Suisse ou leur échange à titre professionnel – par une plateforme exploitée depuis la Suisse – soumet son émetteur, respectivement l’exploitant de la plateforme, aux exigences de la loi sur le blanchiment d’argent (LBA). Cela étant, en cas de prévente d’une pure cryptomonnaie (jeton de paiement) qui n’existe pas encore, la Finma considère un tel token comme une valeur mobilière.

S’agissant des utility tokens, la Finma confirme qu’elle ne les qualifie pas comme valeurs mobilières pour autant que ces derniers confèrent uniquement un droit d’accès à un usage ou à un service numérique et qu’ils ne soient utilisables qu’à cet effet. En revanche, dans tous les cas où la fonction économique d’investissement existe totalement ou partiellement, la Finma les traite comme des valeurs mobilières. En outre, en cas de prévente d’un utility token qui n’existe pas encore, la Finma le considère comme une valeur mobilière.

S’agissant des security tokens, la Finma les considère en toute logique comme des valeurs mobilières. Selon les termes de la Finma, la création de valeurs mobilières (ou droits-valeurs) dans le sens d’une propre émission (p. ex. par l’émetteur du token) n’entraîne en principe pas d’obligation d’assujettissement, même si ces droits-valeurs ont qualité de valeurs mobilières.

Les informations minimales

L’émission d’actions, obligations et de bons de participation notamment nécessite l’établissement d’un prospectus. En outre, la Finma donne une liste précise des informations minimales à fournir dans le cadre d’une demande d’assujettissement (ou demande de confirmation de non-assujettissement) concernant des ICO.

La Suisse figure actuellement parmi les juridictions préférées des sociétés souhaitant lever des capitaux par le biais d’ICO (ou émettre des tokens à d’autres fins). Plusieurs associations et groupes de travail ont été récemment créés à la suite de cet enthousiasme international pour la Suisse de la part des émetteurs de tokens. A ce sujet, la Finma indique qu’elle soutient le groupe de travail sur la technologie blockchain et les ICO de la Confédération, auquel participe l’Etude Ochsner & Associés, également partenaire officiel de la Swiss Crowdfunding Association (www.swisscrowdfundingassociation.ch).

Compte tenu de la forte demande en Suisse en lien avec les ICO, il convient de saluer la publication par la Finma d’un guide pratique sur les ICO, très attendu et positif.