La Finma a mis en consultation, il y a quelques semaines et jusqu’à la mi-octobre, un projet de révision de son ordonnance sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (OBA-FINMA). Ce projet de révision fait suite aux constats du Groupe d’action financière (GAFI), qui avait conclu, en décembre 2016, à l’existence d’un certain nombre de déficiences dans l’arsenal législatif suisse en la matière.

Il est par ailleurs attendu que le Conseil fédéral publie prochainement d’autres projets de révisions portant sur l’extension des obligations de diligence à des domaines autres que l’intermédiation financière, introduisant certaines exigences en matière de transparence pour les associations, ainsi qu’un renforcement de la réglementation applicable au négoce de matières et métaux précieux.

Le projet de révision de l’OBA-FINMA apporte son lot de nouveautés qui, sans être révolutionnaires, vont alourdir de manière importante les obligations à charge des intermédiaires financiers, ou à tout le moins ceux d’une taille modeste. Trois sujets méritent d’être relevés.

Renforcements de certaines règles

- L’abaissement du seuil applicable aux opérations au comptant (article 51): sous la pression du GAFI, le seuil applicable aux opérations de caisse qui ne déclenche pas d’obligation de vérification d’identité passe de 25 000 à 15 000 francs. Il en va de même pour la souscription de fonds de placement (articles 40 et 41).

- Le renforcement des règles applicables à la gestion des risques globaux (article 6): l’OBA-FINMA prévoit déjà pour les groupes financiers suisses ayant une implantation à l’étranger une obligation de contrôler de manière globale les risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Le projet détaille dorénavant cette obligation en introduisant une série de règles spécifiques, telle l’obligation de mettre en place un système de reporting périodique et standardisé des entités (filiales et succursales) étrangères, ainsi que l’obligation de procéder à des contrôles sur place de l’organisation anti-blanchiment mise en place au sein des filiales étrangères.

Si une telle organisation est dans la règle déjà en place pour les grands groupes bancaires suisses, tel n’est pas nécessairement le cas pour le reste des institutions d’intermédiation financière suisses, les informations critiques ne remontant pas, ou trop tard, au siège. Un système de communication spontanée par les entités étrangères au siège des relations à risque accru (PEP, clients importants, etc.) est également introduit.

L’établissement de banques centralisées de données n’est pas requis, mais l’instauration de «listes noires» de clients indésirables au niveau du groupe est et sera saluée par la Finma. Reste à voir dans quelle mesure un tel système est compatible avec les obligations de confidentialité en place dans les juridictions concernées.

Contrôle renforcé des informations du client

- Un autre développement important est le renforcement des obligations de diligence à la charge des intermédiaires financiers. Ce renforcement – à nouveau dicté par le GAFI – intervient à plusieurs niveaux:

· Alors que le système actuel est fondé sur le postulat de l’exactitude des informations transmises par le client, le projet d’ordonnance instaure l’obligation, à la charge de l’intermédiaire financier, de vérifier si le bénéficiaire économique annoncé des valeurs confiées en est bien le bénéficiaire réel (article 9a);

· L’intermédiaire financier se verra obligé de revoir et de mettre à jour de manière régulière les informations relatives à ses relations d’affaires et cela, quand bien même il n’y aurait aucun indice selon lequel la situation aurait changé (article 9c);

· Last but not least, le recours à des structures patrimoniales (e.g. trusts, fondations, sociétés de portefeuille) devra dorénavant être systématiquement justifié par le client (article 9b). Par ailleurs, le projet d’OBA-FINMA introduit un certain nombre d’indices qui conduiront en pratique souvent à la qualification des relations d’affaires avec des structures patrimoniales comme présentant un «risque accru», avec les complications qui s’ensuivent pour l’intermédiaire financier et le client.

Méconnaissance de la gestion de fortune 

Le projet prévoit – curieusement, pour dire le moins – que l’intervention d’un avocat ou d’un gérant de fortune est un indice de risque accru (article 13 al. 2 c bis)! Cette «diabolisation» des structures patrimoniales est à notre sens le point le plus critiquable du projet d’ordonnance. Elle reflète en effet une méconnaissance ou un désintérêt des spécificités de la gestion de fortune en Suisse.

La plupart des patrimoines d’une certaine taille ou complexité (avec des bénéficiaires sis dans plusieurs juridictions et de générations différentes), qui sont des clients historiques et importants de la place financière suisse, recourent en effet largement à des véhicules tels que les trusts ou fondations, de manière tout à fait légale et fiscalement transparente à des fins de planification successorale.

Atténuation souhaitable pour la Suisse

Ces instruments sont le plus souvent sis dans des juridictions étrangères connaissant ce type de structures, ce qui n’est pas le cas de la Suisse (par exemple, Jersey, Guernesey, les Bahamas, etc.). Le projet de la Finma est sur ce point potentiellement dangereux pour la place financière suisse. L’on doit donc espérer que ce volet de la réforme sera revu et atténué dans le texte final de l’OBA-FINMA.

Il est attendu que la mouture finale de l’ordonnance révisée entre en vigueur au 1er janvier 2019. En parallèle, la convention relative à l’obligation de diligence des banques (CBD16) devra être amendée pour refléter la nouvelle OBA-FINMA. Il en ira de même des règlements existants des organismes d’autorégulation en matière de LBA auxquels les intermédiaires financiers sont affiliés.