Banques
Le régulateur, qui reproche à l'établissement bancaire d'avoir failli à la loi sur le blanchiment d'argent, ponctionne 6,5 millions de francs au titre de bénéfices indûment réalisés

L'Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) sanctionne la banque Coutts dans le cadre du scandale du fonds malaisien 1MDB. L'établissement, qui a vendu certaines de ses clientèles à l'Union bancaire privée en 2015, devra verser 6,5 millions de francs au titre de gains indûment acquis.
«Coutts & Co SA a gravement enfreint les dispositions concernant le blanchiment d'argent en raison de clarifications insuffisantes de relations d'affaires et de transactions enregistrées en Suisse, dans le contexte du fonds souverain malaisien 1MDB», indique jeudi la FINMA. Le régulateur va examiner s'il est nécessaire d'ouvrir des procédures d'exécution contraignante (enforcement) à l'encontre des collaborateurs responsables de la banque.
Coutts pourrait aussi affronter des sanctions pénales. Le Ministère public de la Confédération a ouvert plusieurs enquêtes sur les malversations liées à 1MDB. Il va demander à la FINMA une copie de sa décision à l'encontre de Coutts et «examinera si les éléments constitutifs de l’infraction permettant d’incriminer Coutts & Co AG au sens de l’art. 102 du Code pénal suisse (responsabilité de l’entreprise) sont réunis», indique le MPC au Temps.
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L'affaire 1MDB est le plus gros scandale financier actuel. Les dirigeants de ce fonds souverain malaisien sont accusés d'avoir détourné des milliards de dollars, qui ont fini dans les poches de proches du premier ministre Najib Razak et de hauts responsables du fonds souverain émirati IPIC.
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La banque Coutts avait comme client le tycoon malaisien Jho Low (désigné seulement comme «jeune homme d'affaires malaisien» par la FINMA) depuis un rendez-vous organisé durant l'été 2009 à Zurich.
Jho Low est le personnage central de l'affaire 1MDB. C'est un proche du premier ministre malaisien. Il a utilisé cette relation, ainsi que son emprise sur le fonds souverain, «pour s'en servir comme d'un tiroir-caisse à son propre service», explique une personne proche du dossier. Mais pour l'instant, Jho Low n'a été inculpé nulle part.
En 2009, Coutts a reçu 700 millions de dollars provenant de 1MDB. «Les explications à ce sujet étaient contradictoires et ont, pour certaines, étaient modifiées a posteriori, écrit la FINMA. De plus, les documents remis à des fins de plausibilisation contenaient des erreurs évidentes (les parties au contrat étaient notamment inversées).» Un responsable de la conformité interne de la banque (compliance) écrit à ce propos: «Ce serait la première fois de ma carrière que je verrais un cas où sur une transaction de 600 millions de dollars, le rôle des parties est aussi confus».
La FINMA donne encore d'autres détails au sujet de Jho Low: «Plus d’un demi-milliard de dollars US ont [...] été placés dans une société de domicile appartenant à l’homme d’affaires en question, sur la base de contrats de prêts opaques, ce que la banque a plausibilisé par le fait qu’il s’agissait du même ayant droit économique. Coutts n’a pas non plus clarifié l’utilisation de 35 millions de dollars US pour la fréquentation de casinos et pour des services de luxe (trajets en yachts et avions privés).»
La banque a insisté pour garder Jho Low comme client malgré les cris d'alarme de ses services de compliance («I feel very uncomfortable about this guy»). «C'est un client clé avec lequel nous sommes confortables en ce qui concerne la source des fonds, des revenus et l'activité de ses comptes», écrivait un comité interne de la banque en 2012.
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La FINMA vient de clore une procédure de sanction (enforcement), ouverte début 2016 à l'encontre de Coutts, précise le communiqué. L'enquête a révélé que la banque privée n'avait «pas donné suite à des indications internes et, malgré la présence d'indices suffisants, n'en a signalé aucun aux autorités suisses jusqu'en début d'année 2015.»
Selon le régulateur, Coutts est impliquée depuis 2003 déjà, via sa succursale de Singapour. Les fonds versés sur les comptes suisses de Coutts en lien avec 1MDB se montaient au total à 2,4 milliards de dollars.