La folle histoire qui a conduit à la démission du président de Raiffeisen
Banque
Guy Lachappelle quittera la banque à la fin du mois. Lors d’une conférence de presse, il a évoqué une relation extraconjuguale, «brève», mais qui a «détruit» sa vie. Il reconnaît aussi avoir transmis des informations sensibles sur son ancien employeur

Le scandale Pierin Vincenz n’est pas terminé qu’une autre affaire menace Raiffeisen. La banque a annoncé jeudi en fin de journée la démission surprise de son président du conseil d’administration Guy Lachappelle. Il quittera ses fonctions à la fin du mois et sera remplacé ad interim par le vice-président Pascal Gantenbein jusqu’à la prochaine assemblée générale.
Le communiqué de Raiffeisen ne donne aucune raison à ce départ. Il a fallu attendre 17h45 et une conférence de presse organisée à Bâle en tant que «personne privée» par le principal intéressé pour en savoir plus. «J’ai honte», «je m’excuse». C’est en peinant à contenir ses larmes que Guy Lachappelle, président du conseil d’administration depuis 2018, a annoncé sa démission. Le lieu choisi, le Zunft zur Safran, était symbolique, le lieu de la confrérie des pharmaciens et des droguistes. Mais face aux problèmes à surmonter, le Bâlois de 60 ans a décidé qu’il n’y avait d’autres solutions que de démissionner. Il se retire de ses autres mandats.
Vie «détruite»
En un peu plus de 15 minutes, lors d’une conférence où aucune question n’était possible, Guy Lachappelle a décidé de faire toute la lumière sur une affaire extraconjugale en 2017, certes brève, mais qui a «détruit» sa vie ces trois dernières années. Remerciant longuement sa femme, «un roc dans la tempête», a-t-il avancé, profondément ému, il a retracé les efforts de son ex-maîtresse pour ternir son image. Ce fut le cas par la publication d’un ouvrage à charge, où il était présenté sans être nommé «comme un psychopathe», et dont la vente a été bloquée sur décision du tribunal, ainsi que par des informations qu’elle a fournies à des médias alémaniques.
Il en a résulté un conflit juridique entre lui et Ringier. Début juillet, le Blick avait publié un article dans lequel il racontait avoir été invité à une rencontre informelle avec Guy Lachappelle. Or, au lieu de respecter la confidentialité qu’il avait demandée aux journalistes zurichois, le banquier avait rédigé un compte rendu des discussions qu’il avait ensuite envoyé à un tribunal en vue de demander des mesures provisionnelles contre un article. Article non rédigé, clamait pourtant le Blick, qui se plaignait.
Conflit avec le «Blick»
L’article relatant la rencontre avait ensuite été retiré du site, remplacé par une prise de position de Ringier (éditeur du Blick) sur un faux article prétendument du SonntagsBlick envoyé anonymement à plusieurs personnes par e-mail depuis un serveur étranger et «diffamatoire». Le texte, disait Ringier, «n’a pas été approuvé et n’aurait pas été approuvé sous cette forme». L’éditeur s’est finalement excusé auprès de Guy Lachappelle et une enquête est actuellement en cours pour déterminer l’origine de cet envoi.
L’affaire semble s’être accélérée mercredi. Le Tages-Anzeiger affirme avoir confronté hier le responsable à sa propre enquête qu’il vient de publier dans un long article. Selon le quotidien alémanique, une connaissance de Guy Lachappelle aurait déposé deux plaintes pénales contre lui. L’une concernerait des informations sensibles en vertu de la loi sur les marchés financiers qu’il lui aurait transmises, alors qu’il était à la tête de la Banque cantonale de Bâle. La présomption d’innocence s’applique.
Lors de sa conférence de presse, Guy Lachappelle a admis avoir transmis des renseignements confidentiels sur la transformation numérique de la Banque cantonale de Bâle. «C’était une grosse erreur de ma part. Je m’en excuse, même si je sais que les excuses ne suffisent pas» a-t-il déclaré. D’après lui, c’est son ex-maîtresse qui aurait transmis le mail au procureur et aux journalistes. A propos de la plainte, Guy Lachappelle n’estime pas avoir commis de délit pénal mais reconnaît cette «très grosse erreur». Il promet de coopérer avec les autorités.
Données sensibles
Le Tages-Anzeiger publie le contenu de cet e-mail, envoyé d’une adresse privée fin 2017. Guy Lachappelle y souligne que le document est confidentiel et reconnaît qu’il contient des informations potentiellement sensibles. Le quotidien précise ne pas savoir s’il s’agit vraiment d’un acte punissable. En revanche, toujours d’après l’enquête du Tagi, il aurait utilisé la carte de crédit de son employeur (la Banque cantonale de Bâle, puis Raiffeisen) à des fins privées (des repas et des nuits d’hôtel).
Relire: Le procès de l’ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz aura lieu en janvier
Après avoir dirigé la Banque cantonale de Bâle, Guy Lachappelle avait été nommé président de Raiffeisen il y a deux ans et demi. Il remplaçait Johannes Rüegg-Stürm, poussé à partir dans le sillage de l’affaire Pierin Vincenz, du nom de l’ancien directeur de la banque, dont le procès doit se tenir en janvier prochain. Il est notamment accusé d’escroquerie par métier.