Le franc s’appréciera encore face à l’euro, les exportations suisses vers l’UE seront freinées
Devises
Selon les experts, le seuil de 1,05 franc par euro ne devrait pas être franchi. Le Royaume-Uni est une importante destination pour les exportations suisses, notamment pour les secteurs de la pharma et de l’industrie des machines. Les taux hypothécaires descendront encore plus bas

Après une matinée d’effroi, un retour au calme relatif a pu être observé vendredi après-midi sur les marchés des devises. Les pertes initiales affichées par l’euro face à la devise helvétique se sont réduites en cours de journée, même si elles sont restées importantes pour la livre britannique. Vers 19 heures, la livre s’échangeait à 1,33 franc, après avoir touché un plus bas de 1,2864 franc tôt le matin, ce qui représente tout de même une chute de près de 7% par rapport à jeudi. De son côté, la devise européenne, qui avait plongé à 1,0624 franc tôt en matinée, s’échangeait en soirée à 1,0810 franc par euro, limitant son recul à 1% par rapport à la veille.
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Un calme qui s’explique en partie par l’action de la Banque nationale suisse (BNS) qui a admis vendredi être intervenue «pour stabiliser la situation» sur les marchés des devises.
Deux lignes de défense
Aux yeux des experts en devises, la tendance à l’appréciation du franc, compte tenu de son rôle de valeur refuge, va persister face à l’euro. Dans une note, UBS évoque deux «lignes de défense» susceptibles de déclencher une action de la part de la BNS: la première, située à 1,07 franc par euro, entraînera des interventions de sa part sur les marchés des changes. La deuxième, à 1,05 franc, pourrait l’inciter à abaisser encore une fois ses taux directeurs, déjà négatifs. Karsten Junius, chef économiste chez J. Safra Sarasin, anticipe d’«énormes afflux d’argent vers les monnaies valeur refuge comme le franc et le yen». Il s’attend à ce que la monnaie helvétique se maintienne pour encore longtemps en dessous de 1,10 franc par euro et qu’elle tende vers 1,05 franc par euro ces prochains jours, un seuil que la BNS devrait parvenir à défendre.
Selon la Banque Migros, la pression sur le franc ne va pas s’affaiblir de si tôt: lors des crises précédentes, l’argent qui sortait de la zone euro pouvait être réinvesti soit dans le dollar, le franc ou la livre britannique. Suite au Brexit, la monnaie britannique perd ce rôle, ce qui pourrait renforcer l’attrait des autres devises jugées sûres par les investisseurs, juge Albert Steck, économiste, sur le blog de la banque.
Pas d’abaissement supplémentaire des taux négatifs
Credit Suisse considère une nouvelle baisse des taux d’intérêt de la part de la BNS comme peu vraisemblable dans l’immédiat, étant donné que les achats de devises sont un instrument beaucoup plus flexible. Toutefois, si le franc s’appréciait de manière durable, une nouvelle baisse du taux d’intérêt des dépôts d’épargne est à envisager. Il pourrait être abaissé de 50 points de base à -1,25%, contre -0,75% actuellement. En revanche, le recours à d’autres mesures supplémentaires – comme la suppression du montant d’exonération des taux négatifs appliqué aux banques ou l’introduction de mécanismes de contrôle des flux de capitaux – apparaît peu vraisemblable aux yeux de la banque.
Recul des exportations vers la zone euro
Certains économistes ont livré vendredi leurs premières estimations au sujet de l’impact du Brexit sur la croissance de l’économie helvétique. Pour Credit Suisse, un recul du produit intérieur brut (PIB) dans la zone euro de 1% en raison de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne réduirait les exportations suisses vers l’UE d’environ 2,5%. Cela contribuerait à affaiblir le PIB helvétique de 0,3%, ont calculé les économistes de la banque. De plus, si le cours de la devise helvétique se maintenait longtemps à 1,07 franc par euro, cela réduirait encore la croissance du PIB suisse de 0,15% supplémentaire. Avec ces deux effets cumulés, le scénario d’une récession ne peut pas être exclu en Suisse, considère la banque. De son côté, UBS n’a pas modifié vendredi ses estimations concernant la croissance du PIB suisse, estimée à 1% pour l’année en cours et à 1,5% pour 2017.
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Conclure un accord avec le Royaume-Uni?
De son côté, l’institut KOF rappelle dans une note qu’avec une part de 5,8% de l’ensemble des exportations suisses, le Royaume-Uni représente la cinquième destination pour les exportations helvétiques. De surcroît, le marché britannique est très demandeur en produits pharmaceutiques, peu sensibles à la conjoncture, ainsi qu'en montres et en instruments de précision. De plus, les Britanniques représentent 8,5% des nuitées effectuées par des étrangers en Suisse. Non membre de l’UE, la Suisse pourrait dans un délai assez rapide conclure un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni pour atténuer l'impact du Brexit, suggère l’institut rattaché à l’EPF de Zürich. Selon Swissmem, la Grande-Bretagne représente aussi le sixième plus grand marché pour les exportations de l’industrie suisse des machines.
Des taux bas pour encore longtemps
Parmi les gagnants du Brexit en Suisse figurent les emprunteurs hypothécaires qui pourront continuer à profiter de taux bas pendant encore longtemps. Vendredi, MoneyPark, un prestataire de services financiers spécialisé notamment dans les hypothèques, considérait qu’une nouvelle baisse des taux, déjà négatifs, de la part de la BNS était «tout à fait possible». Les hypothèques suisses – y compris celles à long terme – devraient ainsi rester «extrêmement bon marché» durant les deux à trois prochaines années, pronostique la société.
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