A Gênes, le bras de fer entre Benetton et les populistes
Transports
Benetton est l’actionnaire majoritaire d’Atlantia, le gestionnaire du pont qui s’est effondré. L’influente famille vénitienne est chahutée par le gouvernement italien et par des appels au boycott de sa marque textile renommée «United Horrors of Benetton» sur les réseaux sociaux

Tirs croisés entre la famille Benetton et les populistes italiens. A la suite de l’effondrement du pont Morandi à Gênes, le vice-président du Conseil des ministres Luigi Di Maio a adopté son ton le plus menaçant. Devant les caméras, il a clamé jeudi être «libre» de révoquer la concession autoroutière d’Autostrade per l’Italia parce que la famille Benetton, mêlée à la catastrophe, «n’a pas financé ma campagne».
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Au pouvoir depuis juin, le leader du Mouvement 5 étoiles et son homologue de la Ligue Matteo Salvini ont fait cause commune contre l’establishment et les intérêts des grandes entreprises italiennes. Parmi les cibles électorales des populistes: la puissante famille Benetton – dont le fondateur, Luciano, a été sénateur pour le Parti républicain – et sa «caste» qu’ils accusent de s’enrichir sur le dos des Italiens.
Une ombre sur la moitié des routes d’Italie
Connus du grand public pour leur marque textile United Colors of Benetton et ses publicités chocs et colorées, les Benetton ont diversifié leur empire dans l’alimentation, les télécoms ou les infrastructures et les services de transport. C’est de cette dernière catégorie que les Vénitiens tirent désormais plus de la moitié de leurs 12 milliards d’euros de revenus annuels (13,6 milliards de francs).
Actionnaires majoritaires du groupe italo-espagnol Atlantia (30,25%) – maison mère d’Autostrade per l’Italia –, les Benetton sont indirectement responsables de la gestion et de l’entretien de la moitié des 6000 kilomètres du réseau routier italien. De quoi donner du grain à moudre à la coalition populiste, pressée de pointer du doigt les coupables de la catastrophe génoise qui a fait au moins 38 morts mardi, selon le dernier bilan.
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Toute la semaine, les hommes forts du pouvoir italien se sont relayés pour évoquer pêle-mêle une amende de 150 millions d’euros, une révocation du tronçon de l’autoroute A10 ou un retrait de toutes les concessions autoroutières. Cela sans attendre les conclusions de l’enquête qui doit déterminer si l’entreprise a effectivement manqué aux obligations d’entretien de son réseau ou non.
Dédommagement à 20 milliards
Atlantia a réagi jeudi en soulignant que le lancement de ces procédures était prématuré et opéré «sans aucune vérification des causes matérielles de l’accident». Le groupe – qui gère également des autoroutes chiliennes et brésiliennes ainsi que les aéroports de Rome (Fiumicino et Ciampino) et ceux de la Côte d’Azur française – a communiqué à ses actionnaires qu’il se battrait pour défendre ses intérêts.
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Première étape de cette défense: rappeler au gouvernement que la concession (prolongée en 2015) court jusqu’en 2042 et, qu’en cas de rupture de contrat, Atlantia entend bien réclamer la valeur résiduelle de ce dernier. Soit 15 à 20 milliards d’euros, selon les estimations de l’entreprise. A moins que ne soit prouvée l’existence de négligences dans l’entretien des 200 mètres de pont qui se sont effondrés. Ce qu’entend démontrer Luigi Di Maio, qui a contre-attaqué: «Il est honteux qu’ils ne pensent qu’au profit.» Conséquence de ce chassé-croisé: le titre du groupe a été chahuté à la bourse de Milan. Il a clôturé jeudi à -22%, avant de se reprendre vendredi: +5,44%, à 19,30 euros.
La famille Benetton a également réagi jeudi. Par le biais de sa holding Edizione – dont le site affiche toujours fièrement un viaduc routier –, elle affirme avoir investi des milliards pour étendre et moderniser le réseau routier italien sur la dernière décennie; mais elle nie avoir jamais financé un parti politique.
#Gênes #Genovaponte
— RELIGIONS_DE_DUPES (@RELIGIONS2DUPES) 15 août 2018
Quand tu utilises tes sous pour tes actionnaires et non pas tes clients#UnitedColorsOfBéton #AutostradePerL_Italia#AtlantiaSPA#Benetton pic.twitter.com/1AGrovl5Io
Ce ne sera peut-être pas suffisant pour réparer les dommages réputationnels dont souffre déjà la marque. Une campagne de boycott a été lancée sur les réseaux sociaux avec pour slogan «United Horrors of Benetton» ou «United Colors of Béton».